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impliquée dans des difficultés internationales ; comment le Congrès de Berlin l’avait constituée en la grevant, pour une partie de son territoire, d’une servitude économique. Ce caractère de lutte internationale a été encore accusé, dans les années qui suivirent le Congrès de Berlin, par la véritable course des explorateurs français et belges dans la région de l’Oubangui-Ouellé, au nord de la courbe du Congo : nous dûmes à la ténacité de Brazza, servie par les besoins financiers de l’État, d’obtenir la convention du 29 avril 1887, qui ramenait en deçà de l’Oubangui-Ouellé le domaine du Congo indépendant, nous réservant ainsi l’accès libre du lac Tchad au Nord et du Haut-Nil à l’Est ; d’immenses territoires nous étaient ainsi garantis, sans limites tracées vers le Sahara, vers l’Afrique mineure déjà française, vers l’Egypte perdue pour nous depuis la défaillance de 1882 ; l’étude d’une carte, largement teintée aux couleurs françaises, prêtait aux imaginations, pour ne pas dire aux utopies ; à mesure que notre Congo grandissait, nous perdîmes de vue qu’il reposait sur un point d’appui trop frêle ; nous ne pensions pas, comme Thys, à lui donner un chemin de fer de jonction avec la côte ; nous nous engagions insensiblement, inconsciemment, sur la pente qui devait nous conduire à Fachoda.

Cette politique, qui sera bientôt aventureuse, fut pourtant au début fondée en raison et nous a rendu d’incontestables services ; de cette époque date, en effet, la formule de la jonction sur les bords du lac Tchad de nos colonies de l’Afrique mineure, du Soudan et du Congo. Déjà plusieurs missions françaises avaient reconnu les rivières tributaires de l’Ogooué, l’Oubangui, grand affluent du Congo, la Sanga qui ouvre une voie de pénétration intermédiaire vers le Nord. Crampel, ancien secrétaire de Brazza, avait exploré (1888) les sources de la Likouala, autre affluent du Congo, à peine identifiée aujourd’hui ; on n’a pas oublié le succès de curiosité que tout Paris fit à la jeune Pahouine Niarinzé, ramenée de ce voyage. Ce fut Crampel que le groupe peu après dénommé Comité de l’Afrique française désigna pour tenter la réunion du Congo français au Tchad ; débarqué à Loango, près de l’embouchure du Kouilou, Crampel s’occupa d’abord d’organiser le portage de ses colis jusqu’au Congo navigable ; il fonda la station de Loudima, sur un plateau dominant la rivière et qui se couvrit bientôt de jardins potagers ; Brazzaville, sans un champ cultivé, sans un magasin, n’était encore qu’une misérable