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Toutes ces expéditions en pays non frayé, manquant de bêtes de somme, obligeaient nos administrateurs à se servir pour le portage de tous les indigènes disponibles ; il y eut plusieurs fois conflit entre des missions simultanées, sinon rivales, pour obtenir des porteurs parmi des populations peu empressées à les fournir ; il est superflu d’ajouter que, la main-d’œuvre ainsi accaparée, des entreprises de colonisation proprement dite n’auraient pu recruter le personnel nécessaire à leurs travaux ; donc, que cette conquête hâtive était exclusive de toute « mise en valeur. »

Par Loango et Brazzaville, M. Dybowski remonta jusqu’à Bangui, puis s’enfonça au Nord après avoir constitué au coude de l’Oubangui (confluent de la Kémo) une solide base d’opérations ; informé en route du désastre de Crampel, il put traiter avec les chefs de plusieurs tribus indigènes, pillées par les Musulmans, châtia une bande de brigands auxquels il reprit divers objets ayant appartenu à Crampel, et s’avança jusqu’à des rivières qui coulaient vers le Nord-Ouest : c’étaient des tributaires du Chari et du Tchad (août 1891-mars 1892). A son retour à Brazzaville, Dybowski trouva Maistre, prêta monter avec des renforts ; cette nouvelle expédition arriva sans peine jusqu’à la Kémo, poussa au Nord à travers un pays où les indigènes semblaient faire le désert devant elle, et retrouva les fleuves signalés par Dybowski : c’étaient les sources du Gribingui, l’une des branches supérieures du Chari ; l’itinéraire de Maistre se liait dans cette région à ceux de Nachtigall, arrivé naguère par le Nord. Devant les Français se présentèrent alors des délégués du sultan arabe du Baguirmi ; ainsi les pays musulmans qui entourent le Tchad étaient atteints, une tactique nouvelle s’imposait ; il eût fallu, pour continuer plus avant, des marchandises d’échange qui manquaient à la mission. Maistre se rabattit à l’Ouest par une zone de plateaux ferrugineux qu’accidentent les montagnes de l’Adamaoua ; il gagna Yola sur la Bénoué, puis le Bas-Niger, par où il rentra en Europe ; partout il observa la transformation en cours des tribus indigènes par l’invasion des Musulmans ; son itinéraire délimitait ainsi au Nord ce que l’on pourrait exactement appeler le Congo fétichiste.

En même temps, M. de Brazza dirigeait sur la Sanga l’exploration Fourneau-Gaillard qui fondait le poste d’Ouasso (1891) ; d’autres missions remontaient l’Oubangui jusqu’à 450 kilomètres