Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/820

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’héroïsme et l’intelligence de la mission Marchand ne suffirent pas à nous épargner la peine de notre imprévoyance. Nous dûmes évacuer Fachoda : le traité franco-anglais du 21 mars 1899 nous fit abandonner tout le Bahr-el-Ghazal, consacrant en échange le principe diplomatique de l’unité de notre empire africain, et bornant désormais au Nord-Est la carrière ouverte à l’expansion du Congo.

Plus que jamais, alors, le Tchad devient l’objectif que nos administrateurs et nos officiers se proposent, au départ de Brazzaville ; déjà, depuis la mission Maistre, nous avions fait de ce côté de notables progrès : MM. Clozel et le docteur Herr avaient étudié un portage entre la Sanga et les rivières tributaires du Chari (1894). Gentil, parti de la Kémo, en avait tracé un autre, long de 150 kilomètres seulement, vers la Nana, affluent ou plutôt source du Chari (été de 1896) ; descendant ensuite ce fleuve sur la canonnière le Léon-Blot, il avait atteint le Tchad le 1er novembre 1897, et le pavillon français fut ainsi le premier à flotter sur ces eaux du centre africain. En passant, Gentil a signé un traité de protectorat avec le sultan du Baguirmi, mais à peine est-il revenu en arrière que notre nouvel allié se voit attaqué par le belliqueux souverain du Bornou, Rabah ; dès lors un État indigène s’interpose entre le Congo français et le Tchad ; il est indispensable de faire disparaître Rabah ; c’est à cette tâche extra-congolaise que vont être employées, maintenant, toutes les forces du Congo ! Malheureuse colonie, que des circonstances impérieuses ont sans cesse surmenée sans profit pour elle-même : le signataire de ces lignes se souvient d’avoir vu, dans l’été de 1898, tout le Bas-Congo haletant, dans son souci unique de ravitailler la mission Marchand ; après 1898, les convois changent d’adresse, mais c’est toujours à les former, à les expédier que s’usent les fonctionnaires les plus convaincus que le Congo mériterait d’être possédé pour lui-même.

Ainsi sacrifié à des desseins de politique impériale, le Congo ne peut vivre sa vie propre ; économiquement, il vaut à peine plus en 1898 qu’au début des explorations de Brazza ; quelques maisons de commerce sont établies à la côte, avec des succursales sur l’Ogooué et ses affluens (Ngounié, etc.) ; d’autres se sont installées sur le Niari-Kouilou, et quelques-unes, plus hardies, dans l’intérieur, en remontant le long des fleuves ; on compte dans le nombre des firmes anglaises, allemandes, hollandaises et