Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/825

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

géodésiques, les uns sur une route projetée de Libreville à l’Alima, d’autres autour de Brazzaville. Mais, à peine avaient-ils calculé leurs premiers triangles qu’un ordre arrive de les rassembler et diriger d’urgence sur le Haut-Oubangui ; il s’agissait d’étudier un chemin de fer tournant les rapides de Zongo, c’est-à-dire de coopérer à la mobilisation des troupes destinées au Chari et au Tchad. On est alors en septembre 1899, le rapport sur ce chemin de fer est demandé pour la fin de l’année ! Cependant les événemens se précipitent, à notre pointe d’avant-garde. Bretonnet est massacré par Rabah ; le commissaire général, ramenant avec lui tout ce qu’il peut trouver d’hommes, tirailleurs de l’ancienne mission Marchand, miliciens, porteurs et pagayeurs, faisant flèche de tout bois, monte de Brazzaville à Bangui ; quelques « topographes » l’accompagnent, qui s’empressent de laisser là compas et planchettes pour courir sur le front, au canon. Comment mieux marquer les erreurs de notre double politique congolaise à ce moment ? On tente de faire œuvre de colonisation, on envoie à cet effet un personnel d’élite, et telle est la force impérieuse des nécessités militaires, fort loin du Congo lui-même, que ce personnel n’est bientôt plus qu’un renfort inespéré pour les combattans du haut pays !

Ni le Congo, ni le Gabon, alors, ne comptent plus. Un emprunt « congolais » avait été décidé par le gouvernement ; devant des protestations parlementaires, le chiffre en fut abaissé à 2 millions (décret du 30 mars 1900), somme destinée à des travaux publics sur la côte et autour de Brazzaville. Que pouvait-on réaliser avec une pareille obole là où jusqu’alors rien n’avait été fait, où les chefs des divers services, faute d’occupations utiles, faute d’une direction énergique et toujours présente, employaient à d’inutiles constructions, à des clôtures dispendieuses, les quelques milliers de francs qui leur étaient confiés ! Si encore ces deux millions avaient été utilisés pour le Congo lui-même ? Mais non, ils furent absorbés par les exigences de la politique d’expansion vers le Tchad… Hâtons-nous ici de déclarer que nous ne sommes pas les adversaires de cette expansion ; elle était dans la logique fatale du progrès des puissances européennes en Afrique ; l’erreur n’a pas été de nous avancer vers le Tchad et de détruire la puissance de Rabah ; elle fut de faire porter tout le poids de cette action impériale sur une colonie jeune, en pleine crise de croissance, comme le Congo ; c’est seulement le