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qui, là-haut, coiffe l’aiguille suprême, jusqu’au chapeau conique où mille clochettes à peine visibles dansent à des cercles d’or.

Mais le plus singulier, c’est que cet extraordinaire monument semble avoir fait des petits. A sa base, sur les quatre cents mètres de son pourtour, une véritable prolifération de pagodes minuscules lui fait une ceinture de plusieurs rangs. Inégales de hauteur, et comme d’âges différens, ces sonnettes sont toutes semblables. Avec la monotonie des énumérations, des litanies, des rabâchages bouddhiques, c’est la même forme sempiternelle, répétant inlassablement la même idée. Nous faisons le tour de ces édicules sacrés où rien ne se passe, et, à nous perdre dans le labyrinthe désert que forment leurs intervalles, nous avons l’illusion d’errer dans quelque invraisemblable Père-La chaise. Seulement, à gauche, avec ses replis, ses degrés, ses dragons, la grande masse d’or tournante nous déroute, et d’autant plus que, sa convexité nous dérobant sa forme totale, nous ne la voyons pas continuer et finir.

De l’autre côté de cette pépinière, c’est la grande aire de la terrasse, ses espaces vides, son désordre de chapelles coniques sous des cocotiers. Un campement religieux sous de beaux feuillages, un campement de bouddhas, car ces kiosques, ces tasoungs, comme la plupart des monumens mongols, ne sont que des variations sur le motif de la tente, de la tente primitive, celle des nomades jaunes qui des hauts plateaux sont venus, dans cette péninsule voisine de l’équateur, alanguir leur sang à celui des molles races hindoues. Oui, des tentes, ces pavillons, des tentes superposées par cinq, par sept, toujours par nombres impairs où réside quelque idée mystique, leurs coins, leurs cornes se relevant pour surgir en antennes verticales comme des piquets. — D’autres édifices dans ce baraquement sacré sont plus étranges encore ; un échelonnement de disques en retrait les uns sur les autres comme pour des jeux de cascades. Et, sur ces gradins concentriques, des bêtes de chimère rangées en cercle, — phénix, Iéogryphes, — regardent devant elles, tête haute, d’un regard impassible et droit, qui, par-dessus nos têtes, semble dardé sur de l’invisible. — Beaucoup de mâts dressés, encroûtés d’émail et de laque rouge, incrustés de petits miroirs, et les rubans qui les relient, les banderoles qui ruissellent font un décor de fête. Quelques-uns portent haut des guirlandes de fleurs, semblent