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son armée que d’entrer en pourparlers avec l’ennemi. Le mot de capitulation n’est pas encore prononcé. Le général français se borne à demander au général Reding une suspension d’armes et la faculté de se retirer sur Madrid. Mais pendant ce temps la situation de Dupont s’aggrave encore. Un courrier de Savary intercepté par les Espagnols leur apprend que les choses vont mal pour les Français du côté de Madrid. D’autre part, l’armée de Castaños, qui suit Dupont de près, arrive sur ses derrières. Les exigences des Espagnols s’accroissent naturellement avec les avantages qui se succèdent pour eux. Ils veulent bien accorder la suspension d’armes, mais ils refusent la route du quartier général. Ils exigent que toutes les troupes déposent leurs armes et soient considérées comme prisonnières de guerre. La dureté de la capitulation est adoucie par des paroles élogieuses pour la bravoure admirable des soldats français, adoucie également par la promesse qui leur est faite de les ramener immédiatement en France. Mais ce n’en est pas moins une capitulation, sans qu’il soit permis d’équivoquer sur un terme si clair, si uniformément admis dans les usages de la guerre.

Aurait-il été possible à Dupont de ne pas comprendre Vedel dans son désastre : Vedel resté en dehors des lignes espagnoles sur la route de Madrid, en mesure peut-être de regagner avec ses régimens le quartier général ? Question délicate à résoudre, sur laquelle il est difficile de connaître aujourd’hui l’exacte vérité. Vedel essaya bien de s’échapper ; il se porta sur Sainte-Hélène avec l’intention d’effectuer sa retraite. Mais, dès que le général Reding eut connaissance de ce mouvement, il menaça de rompre les négociations et de rouvrir le feu. Dupont n’aurait sans doute pas mieux demandé que de sauver son lieutenant, mais les Espagnols auraient-ils consenti à signer une capitulation si Vedel n’avait pas dû y être compris ? Lui-même ne paraissait pas très en mesure de se tirer d’affaire. Comme Dupont, dans la même proportion que lui, il était victime d’un accident de guerre que l’Empereur n’avait pas su prévoir : l’impossibilité d’assurer le ravitaillement de l’armée, à une telle distance du quartier général, dans un pays de montagnes arides, où chaque homme était un ennemi, où chaque mouvement de terrain pouvait receler une embuscade. Aucune sécurité n’existait plus pour les convois qui n’étaient pas escortés par des forces imposantes. De là pour les soldats une effroyable misère, la privation de tout, les