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destinés à nos troupes. En tout, on sentait, de leur part, avec une haine implacable une mauvaise foi inquiétante.

Enfin arriva le jour du départ, le jour où devait commencer la stricte exécution des clauses de la capitulation. Aucun doute ne fut plus alors possible sur les intentions des vainqueurs. Les stipulations du 19 juillet étaient formelles et ne pouvaient donner prise à aucune équivoque. Il avait été stipulé que les prisonniers qui avaient déposé leurs armes à Baylen se rendraient par journées d’étape à San Lucar et à Rota pour être embarqués sur des vaisseaux avec équipages espagnols et transportés en France au port de Rochefort. L’armée espagnole se chargeait de les escorter et assurait leur sécurité jusqu’au port d’embarquement. Il en fut, hélas ! tout autrement. Les soldats d’escorte, responsables de la vie de chaque prisonnier aux termes mêmes de la capitulation, se bornaient à faire rentrer dans le rang, à coups de crosse de fusil, tous ceux que leur faiblesse ou un besoin pressant obligeaient à s’arrêter.

Tout retardataire était perdu. « Les habitans arrivaient pour le massacrer, dit un chirurgien militaire qui faisait partie d’une des colonnes. Nous n’avions qu’à nous retourner pour être témoins de ces assassinats et, ne l’eussions-nous pas fait, des cris lamentables et les chants barbares des égorgeurs ne nous révélaient que trop ce qui se passait. Femmes, enfans, vieillards, tous s’en mêlaient. »

Lorsque les malheureux arrivèrent à Cadix, après des marches forcées sous un ciel de feu, après avoir été insultés et menacés cent fois sur la route, sans jamais rencontrer une marque de sympathie, au fond d’une province où il n’y avait pas un habitant qui ne fût un ennemi, trouvèrent-ils au moins les bâtimens de transport qu’on leur avait promis, qui devaient les ramener en France ? Ceux qui pour faire accepter la capitulation y avaient inséré cette promesse n’étaient pas en mesure de la tenir. Il ne dépendait pas d’eux d’introduire des bâtimens étrangers dans le port de Rochefort alors bloqué par les Anglais. D’ailleurs, comme le savaient d’avance les signataires de la capitulation, et comme l’avouait un des membres de la junte de Séville, il n’y avait, à Cadix, ni bâtimens de transport, ni ressources pour s’en procurer.

En réponse aux réclamations du général Dupont, on lui répondait avec ironie : « Je suis persuadé que ni le général Castaños,