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de verriers au salaire relativement élevé : « Cette ignorance tenait en grande partie à ce que les ouvriers verriers faisaient travailler leurs enfans dès leur bas âge comme gamins, et que les heures de travail ne s’accordaient généralement pas avec celles de l’école[1]. » Et si ce ne sont pas les parens, ce sont d’autres, auxquels ils délèguent leurs droits, auxquels ils vendent leur puissance, comme dans la lamentable histoire de ces petits verriers italiens que nous a contée récemment le marquis Paulucci de’ Calboli[2]. Mais que l’on ne s’empresse pas de faire de cette misère, et, si l’on veut, de ce crime, an thème aux ordinaires déclamations sur « l’exploitation patronale » et « les exploiteurs patronaux ; » car enfin, qui donc ici est « l’exploiteur ? » et je ne dis pas que quelques patrons, quelquefois, ne puissent être complices, mais la plupart, le plus souvent, sont trompés.

Quoi qu’il en soit, nous dont la besogne n’est ni celle du juge d’instruction ni celle de l’inspecteur du travail, nous nous en tenons à nos observations. D’une part, de sévères et minutieuses précautions ont été prises : par la loi, avant le travail et pour le travail ; dans le travail, par les patrons eux-mêmes. Mais, d’autre part, on nous a conviés à admirer la bonne mine des gamins qui couraient tout autour de nous en maniant la canne ou nous poursuivaient en nous offrant la merveille de leur verre filé : eh bien ! non, nous n’avons pu l’admirer sans réserve ; et, s’il y en avait assurément de robustes, combien étaient pâles, faibles, malingres, peu développés pour l’âge qu’ils annonçaient avec l’espèce d’orgueil qu’ont les enfans, et surtout les enfans forcés de gagner leur vie de bonne heure, à faire précocement les hommes !

Malgré toutes les précautions, il reste donc là, je ne veux pas dire un problème, — ne voulant rien grossir, — mais il reste un point à fixer. Et, au demeurant, il y en aurait plus d’un. L’impression totale et finale sur la verrerie, — lorsque l’on vient de visiter une usine, même très belle et très moderne, — est que c’est bien une industrie, d’origine très ancienne, et

  1. G. Bontemps, Guide du Verrier, p. 180.
  2. Dans un article de la Nuova Antologia ou de la Rassegna nazionale que je regrette de ne pas retrouver. Il est juste de remarquer que les petits protégés de M. Paulucci de’ Galboli avaient beaucoup plus à souffrir hors de l’usine, chez le « traitant » qui les avait amenés du pays natal, que dans l’usine même, et que l’auteur est le premier à le reconnaître.