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dénoncée par Griffiths en 1888, et par Biedermann et Moritz en 1899. Ces observateurs décelaient, dans la sécrétion hépatique de l’escargot, un ferment très actif sur les graisses, une lipase analogue à la lipase pancréatique des vertébrés supérieurs. La démonstration était ainsi achevée : le foie des mollusques possédait toutes les propriétés digestives du pancréas : le foie était vraiment un hépato-pancréas.

Il ne faudrait pas croire que les faits précédens aient toujours reçu, du premier coup, l’interprétation qui leur convenait. Les auteurs en ont été détournés parfois par diverses particularités. Krukenberg, par exemple, s’était laissé égarer par défaut de précautions. D’autre part, l’excès ne vaut pas mieux, car alors le phénomène peut faire défaut. C’est ce qui est récemment advenu aux excellens observateurs Biedermann et Moritz. Le suc hépatique de l’escargot qu’ils recueillaient tout à fait pur s’est montré inactif sur les substances protéiques : il digérait fort bien l’amidon et les graisses, mais, chose curieuse 1 il ne digérait plus les albuminoïdes ; il était inerte vis-à-vis d’elles, au moins en dehors de l’organisme, dans le verre à expérience, car dans l’intestin de l’animal, la digestion de cette espèce d’alimens s’accomplit parfaitement. Cette singularité est restée une énigme pour les auteurs qui l’ont aperçue ; elle s’explique très probablement par le fait que le suc hépatique pur est inactif, inerte en lui-même comme le suc pancréatique des mammifères, et qu’il doit rencontrer dans l’intestin une kinase complémentaire qui lui confère l’activité. Ce serait une analogie de plus entre le foie de l’invertébré et le pancréas du vertébré.

Il y a plus ; au point de vue de sa puissance digestive, le foie de l’invertébré, tout au moins celui de certains mollusques, semble encore mieux pourvu que le pancréas ou l’intestin des animaux supérieurs. Il sécrète un ferment (cytase, diastase cellulosique) capable de digérer la cellulose. Cette substance, si abondante dans les alimens végétaux, est à peu près perdue pour l’homme et les mammifères, faute d’un ferment approprié. On sait, d’autre part, qu’elle n’est pas perdue pour les animaux inférieurs qui sont exclusivement phytophages. On pouvait donc prévoir que ces animaux possédaient le ferment en question. Ch. Darwin, en 1881, avait pressenti la nécessité de son existence chez le ver de terre qui se nourrit à peu près exclusivement de feuilles mortes réduites à leur charpente cellulosique. Mais ce n’est pas chez ces animaux qu’il a été isolé ; c’est chez les mollusques. Biedermann l’a mis en évidence, il y a trois ans environ, dans la sécrétion hépatique de l’escargot. Grâce à ce ferment l’animal