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VII

L’affinité spéciale de la cellule hépatique pour le fer est un autre de ses caractères, également universel. Elle est le fondement de la fonction ferrugineuse (martiale) du foie. On a voulu diminuer l’importance de ce caractère en affirmant que le foie retient le fer comme il retient les autres métaux, comme il fixe certains alcaloïdes et d’autres substances organiques. — Ce n’est pas exact : le fer se distingue des autres métaux vis-à-vis du foie, comme le foie se distingue aussi des autres organes vis-à-vis du fer. Le fer est nécessaire aux organismes : il est un de leurs constituans chimiques. A la vérité, ses proportions pondérales sont minimes : c’est par dix-millièmes qu’il se compte. Mais encore, ces quelques dix millièmes sont-ils indispensables à la composition des tissus. Chez l’homme et les animaux à sang rouge, c’est le sang qui en contient le plus (0 milligr., 5 par gramme). Il a semblé, en conséquence, que le fer fût principalement lié à la vie du sang — et c’est là ce qui a fait méconnaître ses rapports, bien plus généraux encore, avec la vie du foie. Mais ceux-ci ont été enfin bien mis en évidence. C’est pour désigner ces rapports intimes et nécessaires de l’organe hépatique avec le fer (mars, martis en latin) que l’on a créé le nom de « Fonction Martiale, » comme on avait créé précédemment le nom de fonction glycogénique pour exprimer les rapports du même organe avec le glycogène et le glycose.

L’importance de ces rapports avait été méconnue jusqu’à l’apparition des travaux de G. von Bunge en 1885. A la vérité, l’on connaissait déjà l’abondance de certains composés ferrugineux dans le foie de l’homme à la suite de destructions étendues du sang et de ses globules rouges : mais c’était là un fait pathologique et d’ailleurs bien explicable. Bunge ramena la question dans le domaine de la physiologie, en montrant que le fer du foie servait de réserve pour le mammifère pendant la période de l’allaitement. Les tissus grandissent, le sang augmente de quantité : il leur faut du fer pour se constituer : c’est le foie, largement approvisionné pendant la vie fœtale, qui le leur fournit.

Cela est parfaitement vrai : mais ce n’est qu’une partie de la vérité. MM. Dastre et Floresco ont établi, en effet, que le foie est une réserve de fer, non pas seulement chez le mammifère, non pas seulement pendant l’allaitement, mais chez tous les animaux et pendant toute la durée de la vie. Les études faites exclusivement sur les animaux vertébrés avaient préparé le terrain. Les analyses de Bunge, Kruger,