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on bien ce qu’il faut entendre par la disparition de l’enseignement congréganiste ? Cela veut dire sans nul doute que M. Combes, cédant à la pression énergique et impatiente des sectaires d’extrême gauche, s’apprête à supprimer toutes les congrégations enseignantes sans exception. Il a déjà supprimé celles qui n’étaient pas autorisées ; le tour des autres est venu, elles n’échapperont pas au massacre. La plus considérable est celle des frères des écoles chrétiennes ; c’est aussi celle qui excite le plus violemment les passions hostiles et les colères des radicaux. Il est vrai qu’elle est autorisée, mais qu’à cela ne tienne : il suffit d’un décret pour lui retirer l’autorisation. On la lui retirera donc en un tour de main, et on fera de même pour les autres. Les congrégations de femmes ne seront pas mieux traitées : en employant un terme aussi général que celui de « disparition de l’enseignement congréganiste, » M. Combes a tout condamné à la fois. Ce qui l’a, arrêté jusqu’à ce jour, c’est la difficulté, ou même l’impossibilité de recueillir du jour au lendemain dans les écoles publiques les élèves, des écoles congréganistes. Qu’y a-t-il de changé à cet égard ? Rien : l’embarras de M. le ministre de l’Instruction publique reste le même. On pourra dire de l’Université :

D’où lui viennent de tous côtés
Ces enfans qu’en son sein elle n’a point portés ?


Il faudra qu’elle les loge et leur donne des maîtres, ce qui coûtera cher et ce qu’on ne saurait, en tout cas, improviser. S’il est vrai, comme le bruit en court, qu’il y a telle circonscription électorale, représentée à la Chambre par un député radical du meilleur teint, dans laquelle on n’a encore fermé aucune école congréganiste, on sera bien obligé à le faire, car le mot de « disparition » comporte entre tous une parfaite égalité. L’enseignement laïque sera le seul qu’on aura désormais le droit de donner en France : mais du moins sera-t-il libre ? C’est la question qui se pose aujourd’hui, celle que la presse agite, celle qui émeut l’opinion. On aurait aimé à savoir ce qu’en pense M. le président du Conseil. Malheureusement il ne l’a dit, ni à M. Renan à Tréguier, ni à Vercingétorix à Clermont-Ferrand, ni à la Chambre elle-même au Palais-Bourbon. Il s’est contenté de promettre l’abrogation de la loi Falloux, ce qui est vague.

Faut-il répéter une fois de plus que de la loi Falloux il ne reste qu’une chose, le principe de la liberté de l’enseignement ? Nous n’approuvons pas cette loi dans tous ses détails. Elle portait à son origine l’empreinte des circonstances au milieu desquelles elle avait été votée ;