Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ce n’est pas lui qui pourrait trouver mauvais qu’on fit une visite à la France. Serait-ce l’empereur d’Autriche ? Mais lui-même est venu en villégiature chez nous, il y a quelques années, et il a fait au président de la République, à Menton, une visite que celui-ci s’est empressé de lui rendre au Cap-Martin. François-Joseph a même passé en revue un de nos régimens. Après cet échange de politesses un peu plus que personnelles entre lui et M. Félix Faure, ce n’est pas l’empereur d’Autriche qui pourrait désapprouver le voyage du roi d’Italie. Le roi Victor-Emmanuel n’est pas, comme on le répète, le premier membre de la triple alliance qui ait mis le pied sur le sol français et qui y ait été l’objet de prévenances respectueuses : l’empereur François-Joseph avait ouvert la marche. Son voyage n’était pas officiel, mais il ne se dissimulait pas non plus sous le couvert de l’incognito. Au reste, nos frontières sont ouvertes, et nous sommes toujours prêts à faire bon accueil à tous ceux qui viennent à nous avec des sentimens amicaux. Il y a quelques semaines, c’était le roi d’Angleterre ; hier, c’était le roi d’Italie. Que cela indique une évolution assez importante, moins peut-être dans la politique que dans les sentimens de certaines puissances à notre égard, nous le contesterons d’autant moins que nous nous en réjouissons davantage. Mais cela ne modifie pas plus notre politique que celle des autres : l’axe, qui part de Paris, ne dévie pas vers Londres, Rome ou telle autre capitale ; il passe à Saint-Pétersbourg. Rien n’a pu changer cette orientation. On a raisonné beaucoup dans certains journaux européens, quelquefois même déraisonné un peu, à propos de toutes ces visites flatteuses que nous recevions coup sur coup. La race des nouvellistes, telle que l’a décrite La Bruyère, n’a changé ni de caractère, ni de physionomie : elle est toujours infiniment imaginative. On était en train de répéter, quelquefois avec complaisance, que tant de relations nouvelles, contractées ou resserrées par nous, avaient peut-être détendu, et, qui sait ? même dénoué les anciennes, car on perd souvent en profondeur ce qu’on gagne en étendue. Mais tout à coup on a appris qu’un autre voyage allait se faire, celui de M. le comte Lamsdorff à Paris. Quoi ! le ministre des Affaires étrangères de Russie vient voir M. Delcassé ? On croira malaisément que ce soit là une marque de refroidissement entre les deux pays. Sans doute nos rapports avec la Russie doivent être pour nous l’objet d’une attention constante ; il faut éviter de part et d’autre tout ce qui pourrait y jeter un trouble même léger et passager ; mais, quoi qu’on en ait pu dire, le voyage du comte Lamsdorff montre bien que l’intimité et la con-