Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/254

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses esclaves, leur nationalité, leur âge, leur profession ; tous les biens, pêcheries, salines, etc., qu’il possède ; tous ses meubles, objets d’art, ses troupeaux, ses chevaux, ses bœufs, ses brebis, ses biens mobiliers quelconques : le Digeste a tout prévu. Les Censeurs ont tout pouvoir pour contrôler, vérifier ces déclarations, obliger les contribuables à exhiber leurs titres, leurs registres, leurs actes privés. Toute fausse déclaration est punie avec la dernière rigueur ; le coupable est poursuivi, ses esclaves sont appelés en témoignage contre lui, mis à la torture s’ils refusent de dire la vérité telle que la conçoit l’administration, et il peut être condamné même à la ruine absolue et à la confiscation de tous ses biens : Si quis declinet fidem censuum… capitale subibit exitium et bona ejus in fisci jus migrabunt, dit le Code Théodosien (Lib. XIII, t. XI). Une nuée de fonctionnaires, ingénieurs, arpenteurs, inspecteurs, vérificateurs, mensores, agrimensores, censitores, descriptores, peræquatores, parcourent sans cesse le pays, s’informant, fouillant, interrogeant, perquisitionnant, cherchant partout qui ils dévoreront. Les listes nominatives des contribuables sont ainsi dressées, dans les plus minutieux détails, et sur ces listes l’impôt est alors établi, calculé d’après les indications résultant de ce luxe d’informations : impôt sur les terres, sur les maisons, sur leur valeur, sur leur revenu ; impôt sur les revenus professionnels, sur toutes les sources de produits ou de valeurs ; rien ne manque. Ainsi la philosophie de l’impôt personnel sur le revenu, ou sur le capital, est déjà complète dans la Rome antique. On pourra modifier tel ou tel détail secondaire d’application ; la théorie est définitivement déterminée dans ses caractères essentiels : prise à partie de chaque citoyen privativement considéré par le fisc ; arbitraire ou inquisition, ou les deux moyens ensemble, pour évaluer l’ensemble des biens individuels à frapper d’impôt.

Lorsque Philippe le Bel décréta l’impôt du « centième » et du « cinquantième, » par ses ordonnances de 1294 et du 13 janvier 1295, il ne fit que reprendre l’idée romaine, vivante d’ailleurs dans ces multiples impôts féodaux, taille, dîme, maltôte, champart, minage, gruerie, vingtième, dixième, aides, etc., se résumant tous en inquisition du seigneur dans les affaires du manant pour prélever arbitrairement une portion du fruit de son travail. La taille surtout, dont le nom figure pour la première fois dans une charte de 1060 parmi « les coutumes