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Si bien que, le jour où la nation est consultée, à la veille de la réunion de ces États généraux qui vont devenir l’Assemblée nationale de 1789, le cri est unanime, et toute la France répète avec l’assemblée provinciale du Berry dans ses procès-verbaux (t. I, P- 77) :

« La crainte de payer un écu de plus fait négliger au commun des hommes un profit qui serait quadruple !… »

C’est là, du reste, ce que Forbonnais avait parfaitement démontré longtemps auparavant, dans ses Recherches et considérations sur les finances de la Finance depuis 1595 jusqu’en 1722, en racontant l’expérience tentée pour la première fois à Lisieux, par l’arrêt du 27 décembre 1717, transformant la taille personnelle en taille proportionnelle et réelle (c’était notre impôt foncier actuel), et en montrant les excellens résultats de ce système, qui avait supprimé toute vexation, toute inquisition, tout arbitraire.

« Le Conseil, — dit-il, — avait commencé à exécuter les grands desseins qu’il avait annoncés aux peuples en corrigeant le plus funeste de tous les abus qui puisse se rencontrer dans la perception d’un impôt. L’arbitraire de la taille personnelle, qui a si vivement frappé tous les ministres compatissans et éclairés, reçut un frein pour la première fois par l’établissement de la taille proportionnelle » (qui fixait l’impôt par rapport aux fonds occupés, et non plus par rapport aux revenus du contribuable). — « Cet arrêté transporta les habitans d’une telle joie que les réjouissances publiques durèrent pendant plusieurs jours. Depuis, toutes les paroisses des environs supplièrent instamment que la même grâce leur fût accordée… Des raisons qu’il ne nous appartient pas de deviner firent rejeter ces demandes. » Le fisc abandonna peu à peu, même à Lisieux, ce système d’impôt qui avait « réjoui » les contribuables !

On essaya cependant quelque chose de semblable dans certaines campagnes, mais on échoua, parce que « l’on dénatura le système, en voulant imposer le fermier à raison de son industrie particulière (c’est-à-dire de son revenu général), au lieu de l’imposer uniquement à raison de l’occupation du fonds. Dès lors l’arbitraire continue ses ravages, éteint toute émulation, et tient la culture dans l’état languissant où nous la voyons… »

Il fallut attendre la Révolution française et le décret du 11 octobre 1790, rendu sur le rapport de La Rochefoucauld,