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puisque je suis dans les octogénaires, je n’oublierai pas Mme Murat.

« Et puis si le vieux M. Cassat a encore un souffle sur André Chénier, faites-lui rendre l’oracle. Qu’en sait-il ? Quel jugement en ferait-il ? nous en sommes à écouter les moindres échos. »


Le 6 mars 1839.

« Mes chers amis,

« Nos lettres se croiseront encore une fois, mais, malgré l’impatience que cela donne, je ne veux pas plus tarder, et celle de vous écrire l’emporte. Il paraît qu’il se passe de véritables révolutions dans le canton de Vaud, que la réaction anti-méthodiste est en pleine veine, qu’on attaque au Grand Conseil les tendances de l’enseignement religieux, et que les pétitions vont même contre un candidat méthodiste à la place de pasteur à Lausanne. Quoique je ne cesse pas d’être au milieu de vous, vous le voyez, tout cela m’est bien égal si les désirs d’Olivier et les vôtres, Madame et chère amie, n’en sont pas contrariés : mais il m’est impossible de croire que votre vie très anti-méthodiste de cet hiver, Madame, n’ait pas levé tous les obstacles. Quand donc toute cette incertitude sera-t-elle terminée ?

« Nous sommes plus que jamais ici dans le gâchis politique par le résultat des élections qui rend à peu près la même Chambre, empêchant le ministère de continuer et ne désignant pas nettement ses successeurs. Je n’en suis au reste qu’aux nouvelles d’hier, et peut-être le télégraphe qui achève d’apprendre les nominations a-t-il déjà tout changé.

« Je vis toujours très retiré, travaillant. Je vais avoir deux gros volumes et portraits imprimés dans un mois : Port-Royal retarde de plus en plus ; ces deux volumes m’absorbent par les détails d’épreuves et d’additions. A propos, quoique la Revue Suisse vive, je ne puis m’empêcher de faire ce portrait de Mme de Charrière et de le donner ici : est-ce bien mal ? Il sera dans la Revue du 15. J’en avais besoin pour compléter mon dernier volume de portraits ; je m’y suis donc mis et je l’achève en ce moment, à la veille de l’impression, selon mon usage. Apaisez Secretan[1] s’il est toujours directeur de ladite Revue Suisse, et s’il s’aperçoit que l’article passe ici. S’il gronde trop, faites ma rançon, promettez autre chose, et sur les lieux (si j’existe), je paierai.

  1. Le philosophe Charles Secretan, qui avait fondé en 1837 la Revue Suisse, dont il ne devait abandonner la direction qu’en 1843.