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LA
NEUTRALISATION DU DANEMARK

Les aspirations du monde civilisé vers le règne de la paix dans le domaine des relations internationales se manifestent par des voies bien différentes. Tantôt c’est l’idéal de la paix perpétuelle qui hante les imaginations et provoque des actions pleines de générosité et d’abnégation ; tantôt c’est le désir de porter même dans le domaine de la force brutale, pendant la guerre, le respect des prescriptions de la religion et l’observation des lois et coutumes de la guerre. La Croix Rouge est devenue, dans la conscience des nations civilisées, l’emblème de la miséricorde humaine et le symbole des plus-beaux actes de dévouement sur les champs de bataille envers les blessés et les malades.

Toutefois ces aspirations pacifiques des nations n’émeuvent guère les gouvernemens. Les puissances du monde civilisé qui s’occupent de la grande politique internationale n’oublient point la vérité réaliste de l’ancien adage : Si vis pacem, para bellum. Les armemens augmentent et se développent dans des proportions jusqu’à ce jour inconnues. Les tendances pacifiques des gouvernemens sont fondées sur les craintes des conséquences incalculables d’une grande guerre plutôt qu’imposées par leurs aspirations idéalistes vers le règne de la paix permanente dans le domaine des relations mutuelles entre les nations.

À ce point de vue, un antagonisme naturel semble exister entre les aspirations de l’opinion publique et la politique réaliste des États. La paix perpétuelle, rêvée par quelques-uns des plus grands esprits dont s’honore l’humanité, ne cadre nullement avec la paix armée, telle qu’elle est pratiquée par les grandes