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passés, toutes les nations naviguant par le Sund ou les Belts ont, de leur propre consentement, ou en vertu des traités internationaux, payé, pendant très longtemps, au fisc danois des droits pour le passage de ces détroits, on est forcé de reconnaître au Danemark le rôle de gardien international de la porte de la mer Baltique. Ce poste honorifique et important n’a pas été supprimé par le traité de Copenhague de 1856 qui abolit le payement des droits sur le Sund. Au contraire, imposer au Danemark le devoir de laisser passer « sans entrave ou détention » tous les navires, de commerce ou de guerre, c’était reconnaître à ce petit pays le rôle de gardien des détroits, au nom de toutes les nations européennes et américaines qui ont pris part à cette transaction internationale.

Tout cela bien considéré, il est permis de s’étonner que la neutralisation du Danemark ne soit pas encore un fait accompli. La situation géographique, les conditions ethnographiques, linguistiques et historiques de ce pays comportent nécessairement la consécration solennelle de son indépendance et de son intégrité dans le domaine international. Etant donné sa situation géographique sur le Sund et les Belts, il est indispensable pour la paix et le commerce du monde que le Danemark ne puisse à l’avenir être la victime d’un coup de main quelconque ; et il est donc indispensable aussi de garantir sa neutralité, perpétuelle et non accidentelle. En cas d’une guerre survenant entre les grandes puissances de l’Europe, la mer Baltique pourrait devenir de nouveau le théâtre des opérations militaires et les flottes des puissances belligérantes passeraient sans obstacle le Sund. Toutefois la sécurité du commerce, en temps de paix comme en temps de guerre, courrait un très grand danger, si la clef de la mer Baltique pouvait être arrachée des mains de la petite et vaillante nation danoise, à laquelle la nature et l’histoire l’ont confiée séculairement.

Il est temps que les nations européennes, soucieuses de la sécurité de leurs intérêts pacifiques et politiques sur les bords de la mer Baltique, s’occupent sérieusement de cette question : comment garantir la liberté perpétuelle du passage par les détroits danois ? Et il est temps qu’en revanche le gardien de ce passage, qui pendant des siècles a consciencieusement et vaillamment rempli un rôle si difficile, soit garanti contre une attaque malveillante ou un audacieux coup de main.