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neutralisation volontaire, sortie de l’initiative de l’état intéressé lui-même, n’aurait ni portée pratique, ni valeur juridique. Il faut absolument, disent-ils, que les grandes puissances créent ou confirment cette neutralité au profit d’un petit État ; et ils citent comme exemple topique la neutralité de la Belgique pendant la guerre de 1870. Voyons donc ce qui se passa en 1870 pendant la guerre entre la France et l’Allemagne.

La sensationnelle révélation, faite par le comte de. Bismarck, du projet de traité secret dirigé contre l’existence même de la Belgique, provoqua l’indignation universelle de l’Europe. Gladstone stigmatisa ce « traité Benedetti » comme « le crime le plus odieux qui eût jamais souillé les pages de l’histoire. » L’opinion publique en Angleterre exigea péremptoirement de son gouvernement qu’il prît les mesures les plus efficaces pour garantir la neutralité de la Belgique et sauvegarder son indépendance. Le gouvernement anglais, partageant entièrement ces sentimens et, convaincu de la grande importance de la Belgique pour la sécurité de son propre territoire et de son commerce, entama des négociations avec les deux puissances belligérantes pour obtenir d’elles l’engagement solennel de ne point violer la neutralité du territoire belge.

En vertu des deux conventions identiques signées en août 1870 à Paris et à Berlin, toute agression de la France contre la Belgique devait emporter à sa suite la réunion des forces militaires de l’Angleterre à celles de l’Allemagne pour faire respecter l’intégrité et la neutralité de la Belgique. D’autre part, une agression de l’Allemagne contre la Belgique impliquait immédiatement des opérations militaires communes des forces anglaises et françaises contre l’agresseur.

En cette circonstance, l’Angleterre ne fit qu’accomplir son devoir, en sa qualité de puissance garante de la neutralité belge, et ni l’une ni l’autre des puissances belligérantes ne pouvait élever une objection quelconque contre la consécration solennelle de l’état de choses créé en 1831.

Toutefois supposons le cas où le traité de Londres de 1831, par lequel la Belgique a été proclamée perpétuellement neutre, n’eût point existé. Est-ce qu’alors la Grande-Bretagne n’aurait pas eu le droit de faire ce qu’elle a fait en août 1870 ? Est-ce que le gouvernement anglais n’aurait pas eu le droit de ; déclarer sa ferme résolution de protéger la neutralité de la Belgique contre