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« Si la vérité est la sœur divine de la justice, — et je ne demande pas à l’auteur de cette belle phrase, puisqu’il est mort, ce que c’est que des « sueurs divines » sans un Dieu qui les engendre ? — il y a une égale piété dans le labeur qui mène à l’une et dans celui qui mène à l’autre, ou plutôt l’une et l’autre supposent le même effort moral. »

Soit encore, et j’y consens, quoique d’ailleurs ne comprenant pas bien ce que signifie cette rhétorique onctueuse. Pascal, qui s’y connaissait, en science comme en religion, n’a jamais cru qu’il y eût « la même piété, » dans le labeur qui l’acheminait à la découverte des lois de l’équilibre des liquides, et dans les effusions de reconnaissance que lui inspirait le miracle de la Sainte Epine. La « science » est une chose, la « religion » en est une autre ; et je suis, par hasard, de l’avis de Sabatier, quand il dit que de « travailler à concilier les doctrines d’autorité avec la science moderne,.. c’est vouloir souder une motte de terre à une barre de fer. » Je suis de son avis, mais je trouve sa métaphore étrange ! Et quand il nous dit après cela : « La science dans la piété, c’est la théologie scientifique, » j’entends bien qu’il croit avoir trouvé, lui, cette « conciliation » qu’il déclarait tout à l’heure impossible ! Et je ne lui en dispute pas le droit ! Et je n’examine pas sa doctrine ! Et je veux bien qu’elle soit la vraie ! Mais je dis encore, et je répète, que, sous le nom de « piété, » comme tout à l’heure sous celui de « religion, » c’est de tout autre chose que de « religion, » et de « piété, » qu’il s’agit. Et, puisqu’il s’agit d’autre chose, je nie plains qu’on use des mêmes mots ! Et je demande qu’on en cherche d’autres ! et, tout grossièrement, je demande que sous une marque, ou, connue on dit de nos jours, sous une « firme » connue, qui est celle de la « religion, » on n’insinue pas des idées qui sont le contraire de toute « religion. » Rationalistes, athées, libres penseurs, soyez-le, si vous le voulez, et si vous croyez devoir l’être, mais soyez-le franchement, ouvertement, et d’abord, et pour cela, commencez par ne pas être « doyen d’une faculté de théologie protestante. » Vous ferez bien aussi, si vous l’êtes, de n’y pas enseigner le dogme.


II

Après tant de travaux accumulés, depuis plus de cent ans, sur la philosophie et sur l’histoire des religions, ce serait vraiment