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opinions dissidentes. Et, si l’on ne sache pas de religion qui ne soit une affirmation du surnaturel, cela veut dire qu’il ne saurait y avoir de religion sans une autorité, sans un livre, ou une Eglise, ou un homme, auquel il appartienne de maintenir, de préciser, ou de développer cette affirmation. C’est aussi bien ce qu’Auguste Sabatier lui-même a dû reconnaître dans ses chapitres sur l’Autorité dans le dogme protestant. Luther, Zwingle et Calvin, sans rien dire des moindres, n’ont pas eu plus tôt proclamé « l’autonomie » de la conscience chrétienne, qu’il leur a fallu réagir contre l’esprit d’ « anarchisme » qu’ils avaient déchaîné, et soumettre, non seulement à l’autorité de la Bible, mais à celle de leurs Symboles ou de leurs Confessions de foi, cet esprit d’indépendance ou pour mieux parler de révolte qui les avait eux-mêmes détachés de Rome. Ils ont fait mieux encore ! Et on sait que pendant longtemps leur prétention, et celle des Eglises qui étaient sorties d’eux, a été de se donner pour la « véritable Eglise, » l’Église évangélique, la succession légitime des apôtres, et le dépôt de l’autorité.

Je ne comprends donc pas que l’on vienne après cela nous dire, avec Auguste Sabatier : « On écartera dès l’entrée tous les argumens a priori, abstraits ou utilitaires qui encombrent ce sujet (de l’autorité en matière de religion), comme ceux-ci : Dieu, ayant donné une révélation surnaturelle aux hommes, a dû instituer une autorité, surnaturelle également, pour la conserver sans altération et l’interpréter sans erreur ; ou bien : la plus grande partie de notre savoir provient du témoignage des autres ; nous vivons de l’autorité ; donc il doit y avoir, — c’est lui qui souligne, et il s’en prend ici au livre de M. Balfour sur les Bases de la croyance, — une autorité infaillible pour nous apprendre la vérité religieuse ; ou encore, — et ceci est à l’adresse du christianisme social ou de la démocratie chrétienne : — les bienfaits de l’église et les effets de la Bible sont excellens, donc il faut que l’Eglise ou la Bible, ou toutes les deux ensemble, aient été instituées par un acte miraculeux de Dieu même. » Et il ajoute, je ne sais si je dois dire négligemment ou dédaigneusement : « Il suffit d’analyser de telles argumentations pour voir, ou qu’elles tournent dans un cercle vicieux, supposant ce qu’il faudrait démontrer, ou qu’elles sont insuffisantes, parce qu’il y a une distance infinie entre les prémisses et la conclusion. »

En vérité, l’illusion est étrange ! Je ne retiens que le premier