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au moins, le lien qui l’avait unie à ce triste personnage n’existait plus. Mais elle portait à sa sœur une tendresse trop vive pour n’être pas malheureuse de son malheur et pour ne pas mêler ses larmes aux siennes. Elle s’associa à ses angoisses et suivit avec elle, partagée comme elle entre la terreur et l’espérance, toutes les phases du procès qui se préparait.

A Livry, où continuaient à vivre la mère et la grand’mère de Hérault de Séchelles, le désespoir fut plus grand encore. Là aussi, son arrestation succédant à celle du maréchal de Contades atteignait à la fois les cœurs et les intérêts, et assombrissait brusquement l’existence. Au milieu des agitations de sa vie, au cours de ses innombrables égaremens dont, enfouies dans leur retraite, gémissaient du matin au soir ces infortunées, et que chaque jour elles suppliaient le ciel de lui pardonner, il n’avait pas cessé de se conduire envers elles comme un fils aimant et respectueux. Souvent, à leur demande, il s’était entremis en faveur de leurs parens, de leurs amis. Les membres de sa famille, son arrière-grand-père Magon de Labalue, son grand-père Magon de la Lande, son grand-oncle Magon de Lablinaye, son oncle de Saint-Pern, son cousin Cornu lier, tout en déplorant les fautes de sa vie publique, avaient maintes fois recouru à son influence. Ce que lui écrivait sa mère, à la date du 6 août 1793, nous prouve qu’ils n’y avaient pas recouru en vain.

» Je n’ai pu, mon enfant, vous remercier par M. Romeron d’avoir trouvé un moment pour me donner de vos nouvelles ; je suis charmée qu’elles soyent bonnes, malgré tout ce que vous faites pour qu’elles ne le soient pas. Je voudrais que vous puissiés trouver le tems de vous baigner, de vous raffraîchir, et de ne pas tant compter sur vos forces qui ne résistent pas toujours à un travail forcé.

« Je vais mander à mon père ce que vous me marqués sur son affaire ; d’après quoi il verra qu’il peut compter sur votre zèle ! Bonsoir, mon enfant, je vous embrasse de tout mon cœur[1]. »

Cette lettre ne constitue pas seulement une preuve de la sollicitude de Hérault pour les siens ; elle démontre aussi que su mère et son aïeul avaient renoncé à lui adresser des reproches. Il n’en entendait plus quand il allait à Livry ; il y était reçu avec joie, avec tendresse ; il n’y pouvait surprendre qu’un

  1. Archives nationales.