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vingt-cinq accusés parmi lesquels le général Arthur Dillon, Gobel, l’évêque constitutionnel de Paris, Chaumette, Lucile Desmoulins, l’ex-religieuse Françoise Goupil, veuve d’Hébert. On en condamna dix-neuf. Ils furent exécutés le même jour[1]. La justice révolutionnaire était expéditive. Elle recula cependant devant la cruauté de plonger la mère et les sœurs de Philibert Simond dans la misère en confisquant les biens qu’il laissait. A la prière de quelques amis, le Comité de Sûreté générale consentit à abandonner ces biens aux héritiers qui, sans cette décision, eussent manqué de pain. Il n’usa pas de la même clémence relativement à l’héritage de Hérault de Séchelles. Tout ce que contenait l’appartement de la rue Basse-du-Rempart fut saisi pour être vendu au profit de la nation ; saisi aussi, le château d’Epone avec son mobilier qu’on mit aux enchères, en attendant de procéder pour les terres à la même opération[2].

On ne s’en tint pas là. Les parens du conventionnel, longtemps épargnés, furent poursuivis et envoyés au tribunal révolutionnaire. Parmi les malheureux qui montèrent sur l’échafaud dans la journée du 1er thermidor se trouvaient sept membres de la famille Magon. Deux d’entre eux étaient octogénaires. Au nombre de ces victimes figurent Mme de Saint-Pern, l’une des sœurs de Mme Hérault de Séchelles ; le jeune de Saint-Pern, âgé de dix-sept ans, qui fut exécuté, quoiqu’il eût été arrêté par erreur à la place de son père et qu’il ne fût l’objet d’aucune accusation. Mme Cornulier, fille de Mme de Saint-Pern, s’étant déclarée enceinte, échappa à la mort, après avoir vu périr son mari ; il avait vingt-deux ans, elle seize. Elle comparut, quelques mois plus tard, comme témoin, dans le procès de Fouquier-Tinville. Elle tenait à la main la liste des jurés qui avaient condamné toute sa famille. L’auditoire frissonna en entendant la

  1. D’après une version, dépourvue d’ailleurs d’authenticité, Simond aurait reçu dans sa prison la visite de l’abbé Emery qui fut plus tard supérieur de Saint-Sulpice ; d’après un autre, il serait allé à l’échafaud « en poussant des cris affreux. » On ne peut que mentionner ces dires.
  2. Ces ventes eurent lieu en thermidor an II et en frimaire, ventôse et pluviôse an III. Celle du domaine d’Epone produisit 297 925 francs, que la dépréciation des assignats réduisit à 153 221 francs. Cette somme fut remboursée en 1829 par la Restauration aux survivans de la famille Magon, héritière de Hérault de Séchelles. L’un d’eux, Félix Bessier, était alors possesseur du château, qu’il avait acheté en 1803 et qui passa depuis en d’autres mains. Ce Félix Bessier avait sauvé pendant la Terreur deux demoiselles Magon dans des circonstances que je n’ai pu reconstituer. L’une d’elles lui témoigna sa reconnaissance en l’épousant.