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ait été donné d’applaudir depuis longtemps, l’œuvre la plus brillante et la plus humaine, la plus tendre et la plus satirique, etc. » Un autre déclare que Capus avec Arène « a trouvé non seulement la formule parfaite de son théâtre, mais aussi celle de la grande comédie de ce temps. » D’autres se sont sentis gagnés par l’attendrissement et soudain réconciliés avec la vie : le succès de l’Adversaire leur prouvait la bonté du genre humain. Il y en a un qui a décidé que ce serait le principal événement de la saison : je doute qu’on puisse trouver mieux, et voilà les auteurs avertis… Jusqu’ici on avait loué abondamment M. Capus pour son esprit et sa dextérité, pour son entente de la scène, et pour une certaine bonne humeur qu’on qualifiait d’optimisme. Mais pouvait-on admettre que la vigueur manquât à ce talent facile ? C’est pour sa profondeur, pour son humanité, voire pour l’amertume de sa philosophie qu’on a exalté l’Adversaire. Ce concours de flagorneries n’a rien qui nous surprenne ; mais nous pouvons bien noter en passant ce trait des mœurs d’aujourd’hui.

Dans une pièce qui s’intitule l’Adversaire, on s’attend que les faits servent à illustrer une théorie ou du moins une observation morale. Est-il vrai qu’il y ait entre les sexes une hostilité foncière, irréductible, et que toute leur histoire soit celle d’une lutte qui se prolonge à travers les siècles ? Est-il vrai que la femme, avant d’être pour l’homme une alliée, une associée, une amie, soit un adversaire qu’il faut vaincre, et qu’elle ne puisse aimer que son maître ? Cela expliquerait l’inquiétude de toute liaison amoureuse, comme si les deux êtres qui s’unissent étaient déjà à l’instant de se reprendre, et aussi le besoin de domination dont l’amour s’accompagne chez l’homme, et encore ce plaisir pervers de la trahison qui fait pour la femme le principal attrait de l’adultère… Cette théorie n’est pas neuve ; mais qu’elle soit d’ailleurs juste ou fausse, il serait parfaitement oiseux de l’examiner à propos d’une pièce où elle ne joue aucun rôle. Car il ne suffit pas qu’elle ait été exprimée en passant, dans un coin du dialogue, il faudrait que les auteurs en eussent tiré quelque parti. C’est ce qu’ils n’ont pas su, ou pas voulu faire. Et ce serait un contresens que de vouloir découvrir dans leur comédie quoi que ce soit qui dépasse les faits tels qu’ils y sont exposés.

Rien de plus simple et, pourrait-on dire, de plus ingénu que la marche de cette pièce ; et c’en est aussi bien l’un des mérites les moins contestables. Nous sommes dans un intérieur de riche bourgeoisie, chez les Darlay, mariés depuis plusieurs années déjà, et, semble-t-il, fort heureux. Ils n’ont pas d’enfans, mais on ne nous dit pas qu’ils