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du Bourg de Jersey. » La seconde pièce était une lettre adressée par le roi à son fils naturel, deux ans après, le 7 février 1667, en Hollande, où le jeune homme s’occupait à poursuivre ses études : Charles, par cette lettre, offrait à son fils une pension annuelle de 500 livres sterling, à la condition qu’il vint demeurer à Londres, mais surtout « qu’il adhérât au culte de son père et au rite anglican. » La religion que James de la Cloche était ainsi mis en demeure d’abandonner était le calvinisme : il y avait été élevé depuis l’enfance, sans doute sous la garde d’un pasteur huguenot, car de la Cloche était le nom d’une vieille famille de pasteurs de Jersey. Et le jeune homme, au reçu de cette lettre, avait abjuré le calvinisme, mais ce n’avait pas été pour « adhérer au culte de son père. » Renonçant à la faveur paternelle et à tous les biens du monde, il était parti non point pour Londres, mais pour Hambourg, et, au mois de juillet de la même année 1667, s’y était converti au catholicisme. Puis, profitant du passage à Hambourg de Christine de Suède, il s’était mis en rapport avec elle, et lui avait fait part de son intention de recevoir les ordres. C’était Christine, sans doute, qui lui avait conseillé de se présenter au collège Saint-André du Quirinal : en tout cas, la troisième pièce qu’il portait sur lui était un écrit autographe de la reine de Suède, en latin, attestant que Charles II, dans des documens privés, s’était reconnu le père du jeune postulant[1].

Le général des Jésuites aura-t-il cru de son devoir d’écrire à Londres pour informer Charles II de l’arrivée à Rome de son fils ? Toujours est-il que, le 3 août 1668, le roi d’Angleterre adressait à Oliva une longue lettre qui, de même que les pièces précédentes, se trouve aujourd’hui conservée aux Archives du Gesù. Le roi, dans cette lettre, — écrite en français, — parlait d’abord de son ancien désir d’adhérer à la foi romaine. Mais il ne pouvait pas, à moins d’exciter des soupçons dangereux, recourir aux services des prêtres catholiques qui demeuraient alors en Angleterre : et d’autant plus il se réjouissait d’apprendre la conversion et l’entrée dans les ordres du « jeune cavalier nommé de la Cloche, de Jersey. » Il demandait à Oliva de lui renvoyer ce jeune homme à Londres le plus vite possible, afin qu’avec lui, en secret, il pût s’initier aux saintes pratiques de l’Église. Il allait en

  1. Charles II avait demandé à son fils de ne point faire usage public des attestations qu’il lui délivrait, aussi longtemps que lui-même, Charles, serait en vie : par-là s’explique que Christine ait donné à James’ de la Cloche une attestation nouvelle, pouvant lui tenir lieu des écrits de Charles II, que, dans sa loyauté, le jeune homme se faisait scrupule de produire.