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à la liberté, au droit commun, à l’ordre public, elle ne s’en préoccupait pas. M. Combes a essayé de la rassurer sur la prompte exécution de ses engagemens, en disant que, loin d’ajourner la discussion sur la séparation de l’Église et de l’État, il la provoquerait le plus tôt possible, car l’indécision actuelle ne pouvait se prolonger. Il s’apprête à franchir un pas devant lequel tous ses prédécesseurs avaient reculé. Il a brûlé ses vaisseaux, qui malheureusement sont les nôtres. Il s’est engagé dans une voie quasi révolutionnaire, sans qu’on sache ce qu’il faut admirer le plus, de sa plate condescendance à l’égard de l’extrême gauche ou de son audace contre des institutions tutélaires qui ont assuré la paix religieuse du pays depuis plus d’un siècle. Il a ravalé enfin la question de la séparation de l’Église et de l’État à la bassesse d’un simple intérêt ministériel. Recevra-t-il sa récompense ? Retrouvera-t-il sa majorité ? Le « bloc » se reformera-t-il ferme et compact autour de lui ? Nous n’en croyons rien. Peut-être obtiendra-t-il un répit de quelques semaines, et la discussion du budget y aidera. Mais toutes les précautions qu’on prend pour cela ne cachent ni les divisions intérieures du ministère, ni les atteintes qu’il a déjà reçues du dehors. Quant à la majorité, si on la reforme d’un côté, elle échappera de l’autre. On ne fera pas accepter des groupes relativement modérés du « bloc » la dénonciation du Concordat aussi facilement que la dispersion des congréganistes. L’Union républicaine du Sénat a déjà donné quelques preuves d’indépendance, et la majorité de l’Assemblée, en décidant qu’elle continuerait la discussion commencée sans attendre le dépôt des projets annoncés par M. Combes, a laissé voir le cas qu’elle en faisait. Le ministère et sa majorité sont ébranlés : nous doutons fort que ce soit dans la promesse de la dénonciation prochaine du Concordai que le premier retrouve sa force et la seconde sa solidité. Quant au pays, il peut voir où on le mène : c’est à lui de refuser d’y aller.


FRANCIS CHARMES.


La Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.