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M. Delcassé, dont l’émotion a réuni les trois quarts de la Chambre en un mouvement qui n’a pas été sans grandeur.

C’est un radical, M. Gerville-Réache, qui a présenté l’ordre du jour : « La Chambre, confiante dans les déclarations du gouvernement, etc. » C’est-à-dire : « la Chambre, confiante que le gouvernement ne prendra pas l’initiative d’une entente en vue d’une limitation des armemens... » Le texte en a été adopté par plus de 450 voix. Il est resté, autour de M. Jaurès et de M. de Pressensé, M. Gustave-Adolphe Hubbard et une soixantaine de fidèles. La morale de cet incident, puisqu’il y a en tout une morale, c’est que, si la majorité n’a point connu de mesure à ses abdications, en politique intérieure, toutes les fois que M. Jaurès lui a fait le signe du commandement, en politique extérieure, elle n’est pas mûre encore pour être pliée par qui que ce soit au joug internationaliste. C’est que la dignité, la fierté nationales sont encore les plus fortes, et qu’il suffit de les éveiller pour que tout se réveille. Si seulement, en ces jours où il est tant de mode de parler d’unité morale, on ne nous armait pas les uns contre les autres ! Ce serait le premier, le meilleur, le plus urgent des désarmemens. Il n’y a pas de paix plus nécessaire, il n’y en aurait pas de plus féconde que cette paix française, dans la paix des consciences...

Le budget a repris ensuite à la Chambre son cours monotone. On a, électoralement, pensé aux facteurs ; on pense, électoralement, aux instituteurs. Mais cinq minutes, l’autre soir, le spectateur candide a pu se demander si l’arbitrage du président allait être respecté, et si les intentions idylliques de M. Gustave-Adolphe Hubbard n’auraient pas pour effet de déchaîner une bataille. Ainsi en serait-il peut-être sur le vaste théâtre du monde. L’humanité n’est pas née pour l’idylle, dans les longs siècles qu’elle a déjà vécus, et, de longs siècles encore, probablement, elle n’en goûtera pas sans trouble les douceurs.


CHARLES BENOIST.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.