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Autriche un homme de la souplesse et de l’habileté du comte de Beust : aussi est-il à craindre que les formes politiques futures ne soient déterminées par le simple hasard des événemens. Peut-être les institutions de l’Autriche se développeront-elles dans le sens fédératif ; mais ce ne sera pas un avantage pour la monarchie, qui y perdra quelque chose de sa force, ni pour la Hongrie, qui risquera d’y compromettre sa situation privilégiée. La violence croissante des coups portés au dualisme surprend un peu lorsqu’on voit d’où ils viennent. Ils portent d’ailleurs sur les œuvres vives d’une institution incontestablement artificielle, qui ne peut subsister qu’à la condition d’être ménagée. À la manière dont on en use, le jour approche où, de part et d’autre, on en sera excédé : alors elle pourra sombrer dans une brusque tourmente sans qu’on ait rien de prêt à mettre à la place. Non pas assurément que, malgré tant de prophéties alarmantes, l’Autriche soit menacée dans son intégrité territoriale, mais elle peut prendre des formes politiques très différentes entre les mêmes frontières. Elle l’a fait déjà, et le dualisme n’est sûrement pas le dernier terme de son évolution.


Nous n’avons guère à parler aujourd’hui que de crises ministérielles. Il y en a eu plusieurs dans ces derniers temps. La crise hongroise a été de beaucoup la plus grave, et même la seule qui l’ait été réellement ; mais il y en a eu une seconde en Italie, et une troisième en Espagne. Ces deux dernières n’ont pas changé grand’chose à l’état politique des pays où elles ont éclaté. Elles se sont ouvertes par la démission spontanée des présidens du conseil ; les partis qui étaient au pouvoir y ont d’ailleurs été maintenus. En Italie, même, la démission de M. Zanardelli n’a pas été due seulement à des causes politiques : l’âge du ministre et sa santé exigeaient des soins et le condamnaient à la retraite. Avant les vacances parlementaires, on avait annoncé que la Chambre, à son retour, trouverait vraisemblablement un autre cabinet. Le grand succès du voyage du roi et de la reine d’Italie à Paris et à Londres aurait rendu sans doute à M. Zanardelli plus de confiance en ses propres forces, si l’ajournement du voyage de l’empereur de Russie à Rome n’avait pas mis une ombre à ce brillant tableau. L’ombre se dissipera ; mais M. Zanardelli a donné sa démission sans plus attendre. Disons tout de suite, pour n’avoir pas à y revenir, que cet ajournement du voyage de l’empereur Nicolas n’a pas été non plus sans influence sur le chassé-croisé qui s’est opéré entre les ambassadeurs de Russie à Paris et à Rome. Toute-