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Les Rochefortais étaient restés très bonapartistes. La présence de l’Empereur causa dans la ville une émotion profonde. Le soir de son arrivée, la population entière envahit le jardin de la préfecture maritime en criant : « L’Empereur ! l’Empereur ! Vive l’Empereur ! » de toute la force de ses quinze mille voix. Les cris ne discontinuant pas, il se décida à venir un instant sur la terrasse. Un silence religieux accueillit son apparition, puis les acclamations reprirent dans un élan d’enthousiasme frénétique. Chaque soir, pendant le séjour de l’Empereur, les mêmes scènes se renouvelèrent. « Buonaparte, écrivait avec indignation au Comte d’Artois le général de Maleyssie, a été reçu à Rochefort comme un dieu. »

Le 8 juillet, vers midi, Beker reçut de nouvelles instructions du Gouvernement provisoire en réponse à sa lettre de Niort. Cette lettre, arrivée le 4 juillet, quand la capitulation de Paris venait d’être signée et que l’armée allait commencer son mouvement sur la Loire, avait bouleversé Fouché et ses collègues. Ils s’imaginèrent que l’Empereur était resté à Niort ; ils le voyaient déjà accourant, au milieu des sabres du 2e hussards, à l’armée de la Loire, acclamé par les troupes, reprenant le commandement à Davout et recommençant la guerre. Après une courte délibération, ils adressèrent cet ordre pressant au général Beker : « Napoléon doit s’embarquer sans délai… Vous ne savez pas jusqu’à quel point la sûreté et la tranquillité de l’Etat sont compromises par ces retards… Vous devez donc employer tous les moyens de force qui seraient nécessaires tout en conservant le respect qu’on doit à Napoléon. Faites qu’il arrive sans délai à Rochefort et faites-le embarquer aussitôt. Quant aux services qu’il offre, nos devoirs envers la France et nos engagemens avec les puissances ne nous permettent pas de les accepter, et vous ne devez plus nous en entretenir. Enfin, la Commission voit des inconvéniens à ce que Napoléon communique avec l’escadre anglaise. Elle ne peut accorder la permission qui est demandée à cet égard. » On décida, en outre, que la copie de