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Que vous venez à tout moment,
Près de notre toit solitaire,
Planer silencieusement.

Dans la nuit sombre et le mystère,
En vain vos corps se sont dissous,
Vous n’êtes pas restés sous terre,

O frères plus vivans que nous !


LE CHANTEUR


Sur les quais où le tremble au souffle du Nord ploie,
Où l’eau verdâtre fuit vers l’Océan lointain,
J’erre ; le vent grandit, le jour pâle s’éteint,
Et la dernière feuille éperdument tournoie.

Et, tout à coup, j’entends une clameur de joie,
Un oiseau célébrant la splendeur du matin,
Les profondes forêts, les monts semés de thym,
Dans un étroit cachot suspendu sur la voie.

Je lui criai : « Pauvre insensé, pourquoi ces chants ?
La nuit tombe, l’hiver dépouille bois et champs ;
D’où te vient cette folle et sonore allégresse ? »

Le rossignol me dit : « Je ne suis pas joyeux,
Je tâche d’échapper à ma sombre détresse :
Il faut bien que je chante, on m’a crevé les yeux. »




Les pierres du chemin blesseraient tes pieds nus ;
Laisse-moi te porter dans mes bras, ma charmante ;
Viens cueillir dans mon pré l’anémone et la menthe,
Les dieux chez les mortels ne sont-ils pas venus ?