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puissance ou autorité spirituelle préexistante, le fondateur d’une doctrine religieuse, s’agrégeant des disciples, les réunissant en société pour maintenir et propager cette doctrine, leur donnant des lois et des institutions, acquérant peu à peu des propriétés territoriales pour satisfaire aux divers besoins de cette société religieuse, pouvant même parvenir à une indépendance extérieure ou temporelle. Consultant ensuite l’histoire et l’expérience, je vis que tout cela s’était ainsi réalisé dans l’Église catholique ; et cette seule observation m’en fit reconnaître la nécessité, la vérité, la légitimité.


Ainsi, parce que la genèse et les développemens de l’Eglise romaine répondaient en tous points aux hypothèses théoriques de Haller, il reconnaissait dans cette conformité une marque de vérité ; et le penseur satisfait s’inclinait en fidèle. Alors, sentant grandir son rôle à mesure que l’histoire même de l’Eglise s’encadrait dans sa doctrine personnelle, il écrivait avec transport :


Dieu suscite un républicain pour asseoir et rétablir les monarchies sur leur véritable base ; un homme simple et peu instruit, dont l’éducation fut assez négligée, pour confondre la science la plus orgueilleuse des savans, celle dont il fut lui-même imbu dans sa jeunesse, dont il partagea un instant les erreurs ; un laïque, enfin, et un protestant, le descendant d’un réformateur même, pour faire briller l’Église universelle d’un nouvel éclat, et la défendre avec des armes qu’on n’avait pas encore employées.


Plusieurs plumes protestantes s’essayèrent à réfuter ce néophyte ; l’intolérance de ses compatriotes bernois le raya, parce que catholique, de la liste des autorités cantonales ; Haller, alors, vint à Paris se mettre au service de la Restauration ; et, sous la monarchie de Juillet, il s’en fut à Soleure, où s’écoula lentement sa pensive vieillesse.


X

Haller, avec un esprit tout ensemble féodal et laïque, avait entrepris une œuvre sociologique, et c’est au cours de cette œuvre qu’il avait rencontré et accepté des conclusions chrétiennes. Frédéric Schlegel, lui, introduit dans l’Église par le romantisme, s’occupa, dans l’enseignement qu’il donnait à Vienne, de déduire du christianisme même un système social. Une préhistoire, que la foi nous révèle, nous montre l’humanité perdant l’image de Dieu, d’après laquelle elle était modelée ; l’histoire interprétée par la foi nous fait et nous fera voir, à