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attendant, la Chambre a discuté les divers systèmes relatifs à l’augmentation de l’artillerie, et elle s’est bravement prononcée pour le plus cher, à savoir pour la batterie de quatre pièces, de préférence à la batterie de six. Il y a quinze jours, le général Langlois, qui a dans ces questions une compétence et une autorité hors de pair, se prononçait, ici même, pour la batterie de six pièces. La Chambre a passé outre : elle est allée tout de suite à la solution la plus coûteuse, qui n’est peut-être pas la meilleure au point de vue technique. Il est vrai que le Sénat ne s’est pas encore prononcé.

Nous avons peu de chose à dire du budget en lui-même : tout le monde convenait qu’il était mauvais, mais on ajoutait qu’il fallait le voter tout de même, sans avoir la prétention de l’améliorer, car le temps pressait. On était talonné par les élections sénatoriales prochaines. Dans ces conditions, le débat avait quelque chose d’académique. Le Sénat s’est prêté aux obligations qu’on lui imposait, et il s’est contenté d’opérer dans le budget le plus grand nombre de disjonctions possible : le chiffre en a été très élevé. La Chambre, toujours guidée par l’intérêt électoral, a une tendance de plus en plus accentuée à faire entrer plus ou moins artificiellement dans le budget toutes sortes de dépenses nouvelles qui n’ont pas été l’objet d’une étude spéciale, et qui sont destinées à donner des satisfactions à telle ou à telle catégorie d’électeurs. Le Sénat vient ensuite et se livre à un travail d’épluchage, dont le résultat est de remettre la plupart de ces questions en dehors du budget pour être étudiées avec le soin qu’elles comportent. C’est ce qu’on appelle disjoindre. La Chambre insiste ou n’insiste pas, et finalement on transige, c’est-à-dire que tout se termine par une cote mal taillée. Il en a été cette fois comme toujours.

La discussion du budget n’a donc eu rien d’original : si elle n’avait pas été éclairée par le discours de M. Poincaré, nous n’aurions seulement qu’à la mentionner. Au reste, le caractère général de l’œuvre parlementaire depuis les élections dernières est sa parfaite insignifiance. Il semble que la Chambre actuelle soit venue au monde à bout de souffle. Elle s’agite dans l’impuissance. Cela ne veut pas dire qu’elle n’ait pas déjà voté et qu’elle ne votera pas encore de très mauvaises choses, l’impôt sur le revenu par exemple ; mais elle éprouve de la fatigue, et comme une sorte de dégoût de son œuvre. Jamais le travail parlementaire n’a marché d’un pas plus lent et plus lourd : il est évident que le cœur n’y est pas. Quelques personnes, sentant le mal, ont voulu y appliquer un remède ; mais lequel ? Se rappelant