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partie du monde civilisé ne doit pas quelque chose à cette terre sacrée où la civilisation a pris sa forme définitive ? On a beau dire que tous les hommes sont égaux et que la vie de l’un vaut celle de l’autre, et cela a beau être vrai théoriquement, il n’en est pas moins certain que l’émotion est plus profonde quand la nature, aveugle dans sa brutalité, vient à frapper certaines portions plus nobles de l’humanité. On entend alors, à côté des morts d’aujourd’hui, parler des morts anciens dont nous continuons de comprendre la voix ; leur plainte douloureuse va droit à notre cœur. Et cette vérité générale devient une vérité particulière d’un caractère encore plus intime, pour nous Français, lorsque c’est l’Italie qui est frappée, son deuil alors est le nôtre, il est un deuil de famille ; la foudre est tombée si près de nous qu’il nous semble en avoir été atteints.

Si un pareil désastre pouvait apporter avec lui quelque consolation, on la trouverait dans l’élan spontané avec lequel chacun a fait son devoir, et plus que son devoir. L’Italie, en particulier, a été admirable de tenue : qu’on nous passe ce mot vulgaire. Quelque profonde que fût sa douleur, l’activité de son courage et de son dévouement n’en a pas été ralentie un seul moment. Sans attendre que d’autres fussent venues à son secours, elle s’est secourue elle-même avec cette intelligence rapide, sûre, précise qui ressemble à un instinct venu du cœur. L’exemple est d’ailleurs parti de très haut. Le Roi et la Reine l’ont donné vaillamment et simplement, dans des conditions qui ne peuvent qu’accroître les sympathies dont ils jouissent. Ne pouvant pas soulager immédiatement tant de souffrances, ils ont tenu du moins à les partager, et les malheureux qui pleuraient les ont vus à côté d’eux, prenant leur part d’affliction dans cette immense calamité. La Reine a été admirable de dévouement ; elle s’est faite infirmière dans les ambulances ; elle a donné à chacun un peu d’elle-même. Ce sont là des choses que le peuple italien n’oubliera pas. Au surplus, tout le monde s’est dépensé sans compter, et les traits d’héroïsme abondent. Quant aux nations étrangères, que pouvaient-elles faire pour manifester leurs sympathies ? Les pouvoirs publics les ont exprimées officiellement. Des souscriptions privées ont été ouvertes. Quelles que soient les sommes qu’elles pourront produire, c’est à peine si les premières souffrances en seront allégées. Pour réparer le désastre, à supposer même qu’il soit réparable, il faudrait plus d’un milliard, et on ne réunira que des millions. Ces souscriptions ne peuvent être qu’un geste qui témoigne à la fois d’une grande bonne volonté, et aussi de son impuissance. L’Italie y