Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/477

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

victoires ont été plus rares. Cependant ils en ont remporté une très belle dans les Vosges, où M. Méline a réussi à faire passer toute sa liste, composée de M. Boucher, ancien ministre, et de M. le comte d’Alsace, prince d’Hénin. Le croirait-on ? Toutes les forces administratives ont été tournées avec violence contre M. Méline. S’il y a pourtant un homme qui a rendu des services à la République, et qui l’a gouvernée pendant plusieurs années avec autorité, modération et libéralisme, c’est lui. Son caractère même semblait rendre impossible qu’il eût des ennemis. On a voulu l’abattre à tout prix. L’élection des Vosges a quelque peu vengé les progressistes des procédés qui ont été employés contre eux. Enfin une dernière élection, celle de M. Ribot, mérite une mention particulière. Au point de vue purement électoral, elle n’a pas de signification déterminée. M. Ribot a été élu par une sorte de consentement général. Une place étant vacante, à la suite d’un décès, sur la liste des sénateurs du Pas-de-Calais, on y a mis son nom parce qu’on savait qu’après trente ans de vie parlementaire, sa santé récemment éprouvée ne lui permettait plus de rester à la Chambre, et qu’on ne voulait pas priver le pays de son expérience, de son talent et de son autorité. Il sera sans doute très utile au Sénat, mais il manquera singulièrement à la Chambre où il tenait en respect beaucoup de passions, d’appétits, d’impatiences, d’élémens de désorganisation et de désordre de tous les genres. On le savait désintéressé du pouvoir et arrivé à ce moment de la vie où la sérénité de la pensée n’est plus troublée par rien. Aussi était-il toujours écouté avec respect, sinon suivi, et il lui est plus d’une fois arrivé d’exercer entre les partis une sorte d’arbitrage, au nom de la morale politique ou des intérêts les plus élevés de la patrie. Oui, certes, M. Ribot manquera à la Chambre ; mais une force comme celle qu’il représente ne doit pas seulement être employée, elle doit aussi être ménagée, peut-être conservée. Il faut donc applaudir à son entrée au Sénat.

Les Chambres se sont réunies, en vertu de la Constitution, le second mardi de janvier, c’est-à-dire le 12. Il est un peu tôt pour pronostiquer ce que sera leur session, mais il est à craindre que le gouvernement ne se trouve un peu plus encore qu’auparavant à la discrétion des partis avancés et qu’il ne leur fasse des concessions nouvelles. Un fait vient de montrer que cette crainte n’est que trop fondée : les derniers accusés de Draveil ont été relâchés. Nous ne voulons pas exagérer l’importance de l’incident : les accusés, s’ils avaient été traduits en cour d’assises, auraient été presque certainement