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dormantes des marécages herbus, les vallées des deux fleuves.

Cette situation remarquable ne devait pas échapper à l’attention des hommes chargés de suivre, pour le gouvernement français, l’avenir de l’expansion européenne en Afrique. Un mémoire soumis par la sous-direction des protectorats à M. Spuller, ministre des Affaires étrangères, remanié ensuite pour M. Develle, relevait l’importance de ces contacts et de cette pénétration de flanc que les affluens du Congo enfoncent vers le cours du Moyen-Nil : « S’il se construit un chemin de fer pour relier les deux grands fleuves africains, il passera là ; s’il se fait un canal, il passera là. »

La France avait le plus haut intérêt à s’approcher, par le Congo, des régions que les entreprises du Mahdi avaient arrachées à leur contact bien précaire avec la civilisation. Œuvre d’autant plus urgente que, par une campagne extraordinairement aventureuse, les officiers de l’Etat Indépendant du Congo avaient, au mépris des traités, franchi le 4e parallèle, établi des postes sur le haut Oubanghi et s’étaient dispersés dans l’Afrique nilotique.

Aussi, dès l’année 1892, sur l’initiative de M. Etienne, député, d’accord avec les départemens compétens des Colonies et des Affaires étrangères, la Commission du budget avait inscrit, au compte du sous-secrétariat des Colonies, un crédit de 300 000 francs à l’effet d’envoyer une mission d’études et d’établissement dans ces régions : c’était, à une heure singulièrement propice, le premier projet de la mission Marchand. Personne, en Europe, ne s’intéressait à ces régions abandonnées depuis le départ d’Emin. L’occupation se fût faite sans coup férir. Mais le projet n’eut pas de suite. Les fonds étant votés, les mesures nécessaires furent préparées et soumises au sous-secrétaire d’Etat des Colonies ; qui ne se décida pas à les signer. Les crédits restèrent inemployés.

Cette période, de 1886 à 1892, fut, en général, une époque de stagnation et même de recul pour l’expansion coloniale française. Les tâches étaient multiples, les frais considérables, les gouvernemens et les parlemens inquiets.

Quel poids à soulever que celui des affaires de Tunisie, d’Indo-Chine, de Madagascar, du Congo, de la Nigeria, de la Côte d’Ivoire, de l’Egypte, des Nouvelles-Hébrides, de la Guyane, tandis que l’opinion publique ne se passionnait que pour l’aventure boulangiste et l’affaire du Panama !