Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cas où une intervention française se produirait dans le bassin du Nil.

Sir Edward Grey était, alors, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères : « L’Angleterre, déclara-t-il, est, en qualité de tutrice, chargée de la défense des intérêts de l’Egypte… et, par suite des revendications de l’Egypte dans la vallée du Nil, la sphère d’influence britannique couvre toute la vallée du Nil ; on me demande maintenant si, oui ou non, une expédition française se dirige de l’Ouest de l’Afrique vers la vallée du Nil, en vue de pénétrer jusqu’à la rive gauche du fleuve… Nous n’avons aucune raison de le supposer, ajoute le sous-secrétaire d’Etat… Je ne crois pas possible que ces rumeurs méritent créance, parce que la marche en avant d’une expédition française, munie d’instructions secrètes et se dirigeant, de l’Afrique occidentale vers un territoire sur lequel nos droits sont connus depuis longtemps, ne serait pas seulement un acte inattendu et inconséquent ; le gouvernement français doit savoir parfaitement que ce serait un acte anti-amical (unfriendly) et qu’il serait considéré comme tel par l’Angleterre. »

Pour la première fois, la France se trouvait en présence de telles affirmations. Elles tendaient à créer, par une simple manifestation oratoire unilatérale[1], une situation juridique, une sorte de doctrine de Monroë appliquée à une partie considérable de l’Afrique. Ce n’était ni plus ni moins qu’un noli me tangere, un hands’off ! comme l’a dit M. Labouchère. On en revenait à la politique des « déclarations. »

Le ministère des Affaires étrangères français pria, immédiatement, l’ambassadeur de France à Londres, M. le baron de Courcel, de se rendre auprès de lord Kimberley, chef du Foreign Office, et d’avoir avec lui un entretien sur la portée des paroles du sous-secrétaire d’Etat, sir Edward Grey. La conversation fut longue et précise ; le ministre anglais expliqua, en propres termes, « que ni le sens ni la portée des déclarations du gouvernement anglais à la Chambre des communes n’allaient aussi loin que l’ambassadeur paraissait le croire. »

Lord Kimberley n’entendait nullement désavouer sir Edward Grey ; mais on ne devait pas oublier que ses paroles étaient celles d’un simple sous-secrétaire d’Etat ; que, par conséquent, elles

  1. Voir, ci-dessus, l’appréciation de lord Kimberley sur ces déclarations parlementaires unilatérales.