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— se procureront de gré ou de force, soit en les louant, soit en les achetant, les terres susceptibles d’être divisées. Deux dispositions sont caractéristiques. Les petites exploitations ne seront pas vendues, mais affermées. Aux propriétés paysannes rêvées par Stuart Mill, ses lointains héritiers préfèrent des usufruits viagers. Quant aux landlords, expropriés, ils ne recevront que la valeur de leurs terres. Le principe du rachat forcé, sans dommages-intérêts, est posé dans toutes les lois votées ou discutées par les Communes radicales[1]. Les théories de la nationalisation du sol ont mordu sur le parti radical. Et ses décisions législatives en portent l’empreinte.

Lorsque les classes aisées ont vu, en dix mois, sous l’impulsion énergique de lord Carrington, 31 Conseils généraux racheter 5 883 hectares, alors qu’en seize ans 8 County-Councils n’avaient, en vertu de la loi conservatrice de 1892, trouvé le temps ou le moyen que de fractionner 320 hectares, leur stupeur n’eut d’égale que leur inquiétude. Les radicaux leur réservaient d’autres surprises et d’autres angoisses.

La même évolution, qui est venue concentrer la propriété foncière, entre un nombre de mains, d’année en année plus réduit, se manifeste aussi pour les valeurs mobilières. Les fortunes supérieures à 2 500 000 francs figuraient en 1884, dans l’annuité successorale, pour 25 p. 100. Leur part dépasse 36, en 1902. Tandis qu’en France, en 1906, nous apprend M. Paul Leroy-Beaulieu, 22 p. 100 des capitaux saisis par le fisc reviennent aux héritages de plus de 1 million, — 43 p. 100 en Angleterre correspondent à des successions supérieures à 1250 000 francs 18 p. 100 de la masse successorale sont formés, de l’autre côté du détroit, par des fortunes de plus de 6 millions 250 000 francs. Sur la rive française, les successions supérieures à 5 millions représentent seulement 6 p. 100.

Renseignés par ces statistiques, les radicaux ont entamé contre la concentration de l’or la même lutte pour le morcellement que contre le monopole de la terre. De même qu’ils rognent les droits ou exproprient les domaines du landlord au profit du fermier ou de l’Etat, de même, ils confisquent sur les grosses successions ou les larges revenus les sommes nécessaires pour diminuer les impôts indirects ou décharger les petits

  1. Small landholders bill (Scotland) ; Irish Land bill ; Housing and town planning bill ; Licensing bill.