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Leurs protestations, pas plus que celles des anglicans, ne sauraient suffire pour expliquer intégralement le réveil des forces conservatrices. Les menaces contre les débits de boissons ont exercé une action plus profonde sur le corps électoral, que celles dont l’enseignement confessionnel était l’objet.

La lutte anti-alcoolique est une preuve de la vitalité croissante de l’esprit puritain. Toutes les crises de remords social, qui sont l’honneur de l’Angleterre moderne, la croisade contre l’esclavage, la lutte contre l’exploitation de la main-d’œuvre enfantine, le mouvement des University Setllements sont inséparablement liés à l’histoire de ce christianisme biblique, de cette religion laïque, qui, parfois vaincue par des réactions temporaires, se réveille brusquement dans des explosions d’un lyrisme mystique et d’une austérité civique.

Chaque Anglais paie, pour les services de l’État, 75 francs par tête ; mais chaque famille ouvrière verse aux marchands de bière et de whisky un impôt annuel de 450 francs. En un demi-siècle, les condamnations pour ivrognerie sont passées de 4 à 6 pour 1 000 habitans. L’alcoolisme, stationnaire chez les hommes, fait d’inquiétans progrès chez les femmes. Sur 1 000 aliénées, 8 en 1876 et 9 en 1906 étaient les victimes d’ivresses répétées. En quatre jours, on a enregistré l’entrée dans vingt-trois débits de Londres de 40 000 femmes, accompagnées de 10 000 enfans. Pour enrayer cette gangrène sociale, un seul remède est efficace : la fermeture progressive d’un certain nombre de cabarets. Là où il y a 24 cafés pour 10 000 habitans, 32 habitans sur 1 000 sont condamnés pour ivrognerie. L’effectif des délinquans n’est plus que de 24, quand le nombre des débits baisse de 24 à 11.

Une loi conservatrice avait assuré la clôture de 837 marchands d’alcool en 1904, de 451 en 1905, de 584 en 1906. Mais ce texte présentait aux yeux des pionniers de la campagne puritaine deux graves inconvéniens. D’une part, il substitue, à la juridiction des local justices, celle de tribunaux moins expéditifs, plus éloignés, et plus coûteux. De l’autre, il accorde aux exploitans des cabarets fermés des dommages-intérêts, prélevés sur une caisse qu’alimente un impôt versé par leurs collègues. Or trois siècles de jurisprudence décident que la patente d’un débit de boissons n’est qu’une concession temporaire et révocable d’une propriété collective. La loi de 1904 assure, au