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V

Le jour de la chute du Cabinet Méline, Marchand n’était pas encore arrivé à Fachoda. Il ne devait atteindre, ce point que dans les premiers jours de juillet, et la nouvelle ne devait parvenir en Europe que trois mois plus tard, par les dépêches du sirdar, lui-même averti, le 7 septembre, par l’arrivée, à Omdurman, d’une canonnière derviche venant du haut fleuve et qui s’était rendue. Quant à l’expédition anglo-égyptienne, au mois de juin, elle était encore, d’après les renseignemens parvenus en Europe, à Kunar, au confluent de l’Atbara. Le chemin de fer était sur le point d’atteindre l’Atbara. Le 21 juin, le sirdar Kitchener était retourné à Berber pour préparer la reprise de la marche en avant. On pouvait, dès lors, escompter le succès, mais ce n’était pas un fait acquis. C’est au mois d’août, seulement, que le corps expéditionnaire est définitivement constitué par l’arrivée de la deuxième brigade anglaise.

En somme, si Marchand était en retard d’une saison[1], il arrivait à temps pour que sa peine ne fût pas perdue. Mais le succès des forces anglo-égyptiennes, s’il ne modifiait pas le point de droit, changeait incontestablement le point de fait.

Raison de plus pour négocier rapidement et pour tirer le meilleur parti possible de la situation telle que les événemens l’avaient créée. Ceux qui avaient organisé la mission connaissaient bien les risques de l’entreprise ; ils en savaient le fort et le faible. Ils rentraient aux affaires juste à temps pour faire rendre tout son effet à la conception dont ils avaient eu l’initiative. Les deux gouvernemens, en concluant la Convention de juin, avaient prouvé qu’ils voulaient traiter. Ils avaient pris date, en quelque sorte, peur aborder cette dernière difficulté. Qu’attendrait-on ?

Encore une fois, ce n’était pas une conquête que la mission Marchand était allée chercher si loin, ce n’était pas même un objet d’échange, un gage ou une matière à négociation, c’était la négociation elle-même. Le but était en vue ; la voie était

  1. Le retard de huit mois de la mission Marchand est dû à la baisse prématurée des eaux du Bahr-El-Ghazal. Le 23 août 1897, Marchand écrivait de Diabéré : « Le Faidherbe est arrivé en bon état… Quand vous lirez ceci, il aura porté, à l’allure de quatorze nœuds, le pavillon au Nil, là où il doit être porté. »