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dois répondre à votre confiance en n’ayant ni parens, ni amis, ni ennemis[1]. »


II

C’est à Maurepas que l’on doit faire honneur d’une décision qui valut au souverain une heure de popularité réelle. Un édit daté du 30 mai, le premier qu’ait signé Louis XVI, porta suppression de l’impôt, prétendu volontaire, perçu à chaque changement de règne et connu sous le nom de don de joyeux avènement. C’était une somme d’environ vingt-quatre millions à laquelle le Roi renonçait au profit de son peuple. Le préambule de cet édit se terminait par ces paroles : « Il est des dépenses qui tiennent à notre personne et au lustre de notre Cour. Sur celles-là, nous pouvons suivre plus promptement les mouvemens de notre cœur, et nous nous occupons déjà des moyens de les réduire à des bornes convenables ; de tels sacrifices ne nous coûteront rien, dès qu’ils pourront tourner au soulagement de nos sujets. » L’abbé Terray avait tenu la plume, mais il n’avait fait que traduire les sincères intentions du Roi ; nous en avons pour preuve la lettre généreuse que ce dernier adressait, au sujet de ce préambule, à son contrôleur général : « Je suis heureux, lui disait-il[2], de pouvoir, sans compromettre aucun service public, suivre dès à présent les mouvemens de mon cœur, voulant, pour soulager d’autant mon bon peuple, retrancher le plus qu’il est possible sur les frais et dépenses de ma maison… L’édit donne plutôt à pressentir les bienfaits d’une bonne administration qu’il ne les promet. Nous aurons à tenir ce qu’il ne promet pas. » Pour ne pas demeurer en reste, Marie-Antoinette, en même temps, déclarait vouloir refuser le bénéfice d’un impôt analogue, ancien et assez onéreux, que l’on appelait le droit de ceinture de la Reine[3]. « Qu’en ai-je besoin ? aurait-elle dit ; on ne porte plus de ceinture. » Vrai ou faux, le mot fit fortune.

  1. Journal de l’abbé de Véri. — Passim.
  2. Lettre du 1er juin 1774. — Correspondance publiée par Feuillet de Conches. — Cette publication, dont on ne peut faire usage qu’avec certaines précautions, renferme cependant une quantité notable de lettres d’une authenticité certaine, et celle-ci semble bien être du nombre.
  3. Cet usage remonte au temps où la bourse, ou aumônière, se portait à la ceinture, d’où son appellation.