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effectuent leur soumission. Les Condé donnent l’exemple, par une lettre rendue publique, qui émeut vivement l’opinion. Les d’Orléans, avec moins de franchise, manœuvrent pour rentrer en grâce. Le 28 décembre 1772, une visite collective au Roi de tous les princes du sang est regardée comme le présage d’une réconciliation générale et complète.

Les anciens magistrats eux-mêmes deviennent graduellement plus traitables. La plupart finissent, de guerre lasse, par accepter la liquidation de leurs charges, reconnaissant ainsi la légalité de l’édit. Quelques mémorialistes affirment que Louis XV, dans les derniers temps, avait eu le projet, en conservant l’organisation de Maupeou, de réintégrer dans leurs postes, par une rentrée en masse, la grande majorité des vieux parlementaires ; d’Aiguillon eût été l’instigateur de ce plan mitigé, dont le renvoi du chancelier aurait assuré le succès[1]. Que d’Aiguillon ait secrètement suggéré cette idée, la chose est vraisemblable ; il semble plus douteux qu’il y eût décidé le Roi. Mais ce qui est établi, c’est que les premiers mois de 1774 virent s’engager sous-main des négociations entre le chancelier lui-même et quelques-uns des chefs du parlement dissous, que Maupeou désirait substituer peu à peu aux membres les plus compromis du parlement nouveau. Quatre-vingts magistrats, le président de Lamoignon en tête, étaient, dit-on, tout prêts à se ralliera cette combinaison. Bref, à l’heure où mourut Louis XV, la pacification était à la veille de se faire, et la « révolution » paraissait, comme écrit Maupeou, « consommée dans tous les esprits sans espoir de retour. »


V

L’événement du 10 mai et l’ouverture d’un nouveau règne ressuscitèrent l’affaire à demi enterrée. Toutes les rancunes se ranimèrent, en même temps que les espérances. Dès le lendemain, l’agitation reprenait de plus belle, sourde d’abord, et bientôt menaçante, à mesure que se révélait l’indécision du Roi. Louis XVI, né et grandi au bruit des luttes récentes, était hostile d’instinct aux empiétemens de la magistrature. « Le Roi, disait Maurepas à Augeard dans une causerie confidentielle[2],

  1. Souvenirs de Moreau ; Mémoires d’Augeard, etc.
  2. Mémoires secrets d’Augeard.