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Saint-Louis, et par suite celle du Roi, on dut, crainte d’accidens, faire interdire par la police la vente des pièces d’artifice. Les noms des nouveaux secrétaires d’Etat furent divulgués dans la soirée, et la nouvelle ne diminua pas l’enthousiasme.

L’élévation de Turgot au contrôle, dont on attendait tout, faisait passer sur ses collègues, Sartine à la Marine, Miromesnil aux Sceaux. Sartine, quinze ans lieutenant général de police, s’était acquis dans ces fonctions la sympathie de la population parisienne et le renom d’un habile administrateur. Si ce passé semblait l’avoir peu préparé à son nouvel emploi, on comptait sur sa fermeté pour rétablir la discipline sur les vaisseaux du Roi et dans les arsenaux, où soufflait un vent de révolte. Miromesnil à la Justice étonnait davantage. Comme premier président du parlement de Rouen, il avait subi récemment les rigueurs de Maupeou. Sa retraite l’ayant rapproché du château de Pontchartrain, il devait à ce voisinage l’amitié de Monsieur et, plus encore, de Mme de Maurepas, qui faisait ses délices de cet aimable et galant magistrat. Nul, en effet, ne se tirait plus adroitement d’un rôle dans une comédie de salon, n’excellait davantage dans les imitations, ne tenait avec plus d’esprit l’emploi de mystificateur. Ce fut, disent ses contemporains, par « ces talens de scaramouche » qu’il séduisit la vieille châtelaine, dont l’empire, comme on sait, était puissant sur son époux, et qu’il conquit par suite la simarre de chancelier de France. On lui reconnaissait, du reste, une science assez solide dans les choses judiciaires, une rare facilité de travail et de la justesse dans l’esprit.

Au surplus, dans ces premières heures, ce qui préoccupait presque exclusivement l’opinion, c’était l’accord prévu de ces différens personnages pour régler au plus tôt la question brûlante entre toutes, le rappel de l’ancien parlement. L’issue dorénavant ne semblait guère douteuse, l’œuvre de M. de Maupeou ayant, par la chute de l’auteur, perdu toutes ses chances de durée. Toutefois, les nouveaux magistrats n’entendaient pas disparaître à la muette et tendre la gorge au couteau. Leurs partisans paraissaient non moins résolus à tenter une suprême campagne. Le Comte de Provence ouvrit le feu ; il remit à son frère, dans les premiers jours de septembre, une note écrite, sous son inspiration, par Cromot, son surintendant des finances[1], et

  1. D’autres en attribuent la rédaction à un sieur Gin, conseiller au nouveau parlement.