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sans qu’il eût fait, dit-il, et cela est assez probable après le stage qu’il avait fait, aucune sollicitation.

Il était créateur, fondateur, innovateur, « homme aidées, » comme dit Sainte-Beuve. Il avait fondé l’Académie des Inscriptions ; il avait contribué à l’établissement de l’Académie des Sciences ; il trouva le moyen de fonder quelque chose à l’Académie française. Son discours de réception, son compliment, comme on disait alors et il dit sa « harangue » parce que c’est plus magnifique, avait généralement plu. Il prit les félicitations qu’on lui adressa à la lettre et il les prit au bond ; et, vile, il déclara que si son discours avait fait plaisir à la Compagnie, « il aurait fait plaisir à toute la terre si elle avait pu l’entendre » et que, partant, « il ne serait pas mal à propos que l’Académie ouvrît ses portes » au public « les jours de réception. » L’avis fut adopté, et c’est depuis ce jour que l’Académie française présente son nouvel élu au public comme un veau marin (c’est Mérimée qui a eu le front de parler ainsi), usage qui a quelque agrément et des inconvéniens assez graves.

Si l’Académie fut quasi unanime à faire sienne l’idée de Perrault, c’est qu’elle crut, il le dit, que c’était une idée de Colbert. Le seul Chapelain, gardien des traditions, s’y opposa, assurant qu’il ne fallait rien innover. Le premier qui bénéficia, si le mot est juste, de la nouvelle institution, fut Fléchier.

Perrault se félicite avec une sorte d’enthousiasme de cette innovation : « On peut dire que l’Académie changea de face à ce moment. De peu connue qu’elle était, elle devint si célèbre que l’on ne parlait pas d’autre chose. Cela alla toujours depuis en augmentant… » Évidemment, Perrault est persuadé qu’il a fondé l’Académie française un peu plus que Richelieu. Il y a dans Perrault, à côté de sa vanité, qui est peu contestable, un goût du théâtral, qu’il faut signaler.

Autre innovation, celle-ci excellente. On votait jusqu’alors à l’Académie de vive voix, ou à mains levées, comme en famille. Perrault, tout en disant très haut, fort obligeamment et non sans esprit, que ce mode de votation n’avait donné jusqu’alors que d’excellens résultats, conseilla cependant, pour l’avenir, de voter « par scrutins et par billets, » afin que « chacun fût dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. » Cette fois encore, parce que l’on crut que cette idée était de Colbert, ou du