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donnent une forte unité. La meilleure occasion pour en parler nous est fournie par ce nouveau livre, le Pèlerinage de Port-Royal, où M. Hallays n’a pas seulement mis toutes ses qualités, mais où sa manière apparaît plus consciente d’elle-même, où son talent se montre plus complet et plus sûr de soi.

M. André Hallays ayant coutume d’insérer ses études dans un journal, il faut probablement le classer parmi les journalistes. Mais voilà bien les beautés de la classification ! Il ressemble si peu à la plupart de ses confrères ! Il rappelle bien plutôt ces journalistes d’autrefois, un Sacy, un Bersot, un John Lemoinne. C’étaient gens d’habitude. Ils ignoraient notre manie de changement et notre fièvre d’agitation. Ils avaient fait choix d’une maison, et, l’estimant bonne, ils y restaient, comme ces bourgeois paisibles qui attendaient patiemment la vieillesse dans les mêmes murs où ils avaient grandi. Ils avaient un public avec lequel ils se sentaient en communion d’esprit. Tout leur souci n’était que de se montrer constamment dignes de cette élite qui savait les apprécier à leur valeur et les mettre hors de pair. Ils n’éprouvaient aucun besoin de descendre sur la place publique et de paraître sur les tréteaux. M. Hallays, qui appartient à la même maison, continue la tradition de ces honnêtes gens. C’est au Journal des Débats qu’il a donné, voilà tantôt vingt-cinq ans, ses premiers essais, comme il y donne encore ses belles études d’aujourd’hui. A vrai dire, il était, alors, assez différent de ce qu’il est devenu. À cette époque des débuts, il se contentait de suivre son caprice, sans but précis, sans idée préconçue ; il lui suffisait de promener son esprit vif, alerte, pénétrant, à travers tous les sujets qui venaient solliciter sa curiosité toujours en éveil ; il ne se refusait à aucun de ceux qui pouvaient divertir sa fantaisie.

Car il est avant tout un curieux. Il l’est de naissance. C’est sa marque, et j’allais dire que c’est sa tare originelle. Il est en effet de notre ville, Parisien de race et dans les moelles. On s’en aperçoit de reste à la façon dont il sait rendre telles « sensations parisiennes » qui sont lettre morte pour quiconque n’a pas de tout temps flâné par nos rues, avec toute une hérédité de bourgeois de Paris derrière soi. « Au Musée Carnavalet, écrira-t-il, le Parisien est chez lui, tout à fait chez lui, et c’est une impression qu’il éprouve rarement sur le pavé de sa ville, parmi les hordes provinciales et cosmopolites. Dès qu’il gagne le Marais, le vieux Marais, à l’aspect des maisons et aux noms des rues, il sent qu’il rentre dans son pays, dans son « patelin, » comme disent les troupiers en se remémorant leur village. Quand