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Ce son de voix fut longtemps celui que nous fit entendre M. André Hallays. Il nous fit maintes fois cette joie incomparable d’administrer à la dernière sottise à la modèle mot juste, celui que nous attendions et qui restera. Il a dégonflé bien des ballons. Il a dit à M. Homais et à M. Cardinal, devenus personnages de considération dans notre étrange société et parfois promus au rang de maîtres de nos destinées, ce que pensent d’eux les quelques Français de qui la peur ou l’ambition n’ont pas brouillé les idées. Cela n’a pas ému M. Homais et M. Cardinal. Cela ne les a pas même inquiétés, car ils n’ont pas compris. Mais ç’a été tout de même une revanche, telle quelle, du bon sens et de l’esprit.

Ces plaisirs de délicat et ces exercices de lettré retinrent, d’assez longues années, M. André Hallays. C’était le temps du dilettantisme. Les écrivains du tempérament le plus différent, de M. Anatole France à M. Jules Lemaître et de M. Bourget à M. Maurice Barrès, en avaient, des mains de M. Renan, recueilli l’héritage. Jouir de toutes les formes de l’art, prendre son plaisir au combat des idées et au jeu des nuances, se moquer des sots, sans avoir l’air d’y toucher, avec un sérieux de pince-sans-rire, leur semblait alors pouvoir être le tout de l’écrivain. C’était, au reste, une illusion ; et ils en revinrent d’autant plus promptement qu’ils avaient plus de vigueur d’esprit. Ils se lassèrent de ce rôle de spectateurs amusés et indifférens. Sans abandonner aucune de leurs qualités les plus précieuses, ils s’avisèrent qu’ils en pourraient faire un emploi un peu différent : ils souhaitèrent de s’employer à une œuvre utile.

Chez M. André Hallays, l’évolution s’était faite insensiblement, de la façon la plus naturelle et la plus logique. À mesure qu’il devenait, au cours de ses promenades à travers la France, plus familier avec les créations de notre génie artistique, il se prenait pour elles d’un goût plus intime et d’une admiration plus passionnée. En même temps que ce culte grandissait en lui, il constatait avec plus de chagrin l’indifférence de ceux qui, ayant reçu ce patrimoine incomparable, le laissent se perdre ou même en précipitent la disparition. Il notait avec une indignation croissante les variétés de vandalisme qui, chaque jour, se traduisent par des destructions nouvelles. Car il y a encore sur notre vieux sol de France une merveilleuse parure d’édifices attestant la fantaisie et le goût de nos constructeurs. Ce ne sont pas seulement les monumens classés, mais d’admirables églises de village, des ruines d’abbayes ou d’hôtels de ville, des restes de châteaux, et dans les villes de charmans logis d’autrefois. Et tout cela s’en va. Et