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que l’Orient et s’il est vrai qu’elles descendent d’assez haut, ce n’est pas d’une hauteur mystique Elles sonnent tout simplement les heures, au faîte d’une grande maison de banque, voisine du Conservatoire. Elèves ou « logistes, » que de fois naguère, par les fenêtres de nos classes, ne les avons-nous pas entendues ! M. Pierné s’est souvenu d’elles et de sa jeunesse. Avec un goût ingénieux, il les a transcrites, disposées de vingt manières différentes, parées d’harmonies, de rythmes et de timbres changeans. Ainsi, par la grâce du talent, le petit carillon financier est devenu berceuse, cantique, oraison de Noël. Les enfans qui le chantent à Bethléem sont des enfans de Paris, de chez nous ; il est nôtre, parisien, lui-même, et de là résulte le plus amusant mélange, une sorte de spirituel anachronisme et de paradoxe délicieux.

Voilà bien de l’esprit, de l’esprit de finesse. Poursuivons notre analyse : nous verrons tantôt comme il s’échauffe et s’exalte, tantôt comme il s’émeut et s’attendrit. Le premier tableau surtout porte plus d’une marque ou d’une touche de lyrisme. A peine les bergerots ont-ils entendu l’étoile, que sa voix semble passer dans la leur et chanter sur leurs lèvres, sur celles au moins de quelques-uns d’entre eux : Lubin, Nicolas et Jeannette, les trois petits chorèges de ce chœur enfantin. « Ah ! » soupire Jeannette avec délices, « la voix descend du ciel ! » Et la voix se répand sur eux, en eux, elle les rassure, les enivre et les ravit. Elle inspire à Jeannette, pour apaiser l’effroi de Lubin, une phrase câline et tendrement tutélaire. A Lubin, quand il a cessé de craindre, ayant entendu aussi, elle arrache un plus fervent appel et, vers la mélodieuse et lointaine amie, le cri d’un ingénu, mais pathétique et presque douloureux amour. En vérité, la musique de ces pages-là va plus loin qu’on ne pense et que le public n’a paru le comprendre. Il n’est plus question seulement ici de charme, d’élégance ou de grâce, mais de sérieuse et profonde beauté.

Le second tableau, qui ne comportait pas un élan, pas un éclat, a bien de la tendresse encore, et même de la gravité. Nous avons signalé déjà la berceuse de la Vierge, avec l’effet de détente et d’épanouissement qu’y produit le passage d’une période à l’autre, le changement de mesure, de mode et de sonorité. C’était un trio hasardeux que celui de la Vierge, d’un bœuf et d’un âne. Il y fallait, avec de l’esprit, du goût, du tact ; enfin, pour échapper à l’irrévérence, au ridicule peut-être, de la noblesse et, s’il était possible, de la grandeur. Tout cela s’y rencontre. Sur le second thème de la berceuse, la voix presque divine et les deux voix animales s’unissent, d’abord jusqu’à l’unisson, pour