Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 49.djvu/929

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

psalmodier une calme litanie. Toutes les trois s’accordent aussi naturellement que font les trois figures dans les vieux tableaux de Nativité. Il semble qu’un sentiment commun de vigilance et de sollicitude les rapproche. La musique incline Marie vers ses humbles compagnons et les élève eux-mêmes vers elle, faisant entre les trois comme un partage de sentiment, inégal sans doute, mais harmonieux. Est-ce l’unisson, puis la sonorité de l’orchestre, est-ce la lenteur du rythme, la démarche et la plénitude de grands accords quasi liturgiques, je ne sais. Tout cela, dans le rôle du bœuf et de l’âne, pouvait ne prétendre qu’à la représentation pittoresque et légèrement ironique des deux braves animaux. Mais tout cela veut dire et dit bien davantage. Il y a là plus qu’un équivalent par les sons du βοώπις (boôpis) d’Homère, je ne sais quoi, non seulement d’antique et d’extérieur, mais de profond et de chrétien. On croirait que, devant la crèche, les bêtes elles-mêmes comprennent vaguement, et qu’elles ressentent, qu’elles expriment à leur façon quelque chose de la grandeur du mystère et de la douceur du bienfait.

Ainsi les deux moitiés de l’aimable oratorio s’égalent sans se ressembler. Et, comme le voyage des petits pèlerins, leur station n’a rien de monotone. Dans cette seconde partie, encore plus que dans la première, tout est en nuances, mais en nuances distinctes, et le dessin, le modelé demeure toujours sensible sous le coloris. Chaque épisode a son caractère. Après la joyeuse et même tumultueuse irruption des gamins dans l’étable, c’est comme une « suite, » au sens musical du mot, de cantiques, de berceuses et de prières, d’offrandes et de caresses, timides et tendres à la fois. Pas une note, pas un accent, pas un timbre ne vient fausser ou forcer le ton général et volontairement atténué. Toute inflexion est expressive, et la moindre intonation est choisie. On voudrait pouvoir citer le dialogue des enfans avec la Vierge, où le fil mélodique, flottant dans l’air harmonieux, a la ténuité, la souplesse et le mince brillant de ces autres fils, de soie et d’argent, qu’on appelle de la Vierge aussi.

Vous rappelez-vous le compliment que faisait Jacques Eyssette à son frère, dans le roman délicieux — une histoire d’enfant encore, — d’Alphonse Daudet : « Ah ! mon Daniel, quelle jolie façon tu as de dire les choses ! » Elle existe même en musique, cette manière-là. Elle est claire et sobre, élégante et spirituelle, touchante au besoin, très française, et c’est la manière de M.  Pierné.

Ce fut la manière aussi de ses jeunes interprètes. Ah ! si tous les adultes chantaient comme chantèrent ces enfans ! simplement, en