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à peu la Chambre à son système avant de lui en montrer toutes les conséquences, et quand elles apparaissent enfin, la Chambre en éprouve bien quelque inquiétude, mais on lui fait honte en lui disant : — Vous n’aviez donc pas compris ce que vous avez voté ! Vous allez donc, au dernier moment, renverser tout ce que vous avez fait ! — Et la Chambre n’est pas rassurée, mais elle s’incline en rougissant. M. le ministre des Finances a mis le bât sur elle et peut désormais l’équiter à son gré. M. Théodore Reinach, bien qu’il eût voté les principes du projet de loi jusques et y compris celui de l’impôt complémentaire, n’a pas été plus heureux que M. Jules Roche ou que M. Aynard : ses amendemens ont le même sort que les leurs. Nous avons nommé M. Jules Roche ; il a été, dans toute cette discussion, admirable de talent, de science, de ténacité, de persévérance, alors pourtant qu’il n’y a plus rien à espérer. M. Aynard a montré une fois de plus l’élévation de son esprit et sa connaissance pratique des affaires jusque dans leurs moindres détails. Rien n’y a fait, la loi sera votée ; alea jacta est, le sort en est jeté.


Mardi, 9 février, le bruit s’est répandu que la France et l’Allemagne venaient de signer, sous la forme d’une Déclaration, un arrangement relatif au Maroc. Aucune nouvelle ne pouvait être plus favorablement accueillie par l’opinion. Le désaccord marocain de l’Allemagne et de la France a pesé lourdement sur l’Europe depuis quelques années ; il a fait naître des préoccupations auxquelles personne n’a échappé, et qui ont déterminé les divers groupemens politiques que tout le monde connaît. Cette phase historique est-elle terminée ? Nous le souhaitons sincèrement. Mais comment ne pas songer et ne pas dire que, si l’Allemagne l’avait voulu, nous serions arrivés du premier coup au point où nous sommes aujourd’hui, et cela sans secousse et presque sans efforts ? Avant de nous rendre à Algésiras, nous lui avons demandé ce qu’elle désirait et proposé de nous entendre directement avec elle. Il était évident, en effet, qu’en dehors d’elle personne ne se souciait de la Conférence : tout le monde aurait été satisfait d’être dispensé d’y aller. Une entente entre Berlin et Paris aurait rencontré une approbation générale et provoqué un soulagement universel. Enfin, mieux vaut tard que jamais. Nous féliciterons les deux gouvernemens d’avoir compris qu’ils avaient, en ce moment surtout, autre chose à faire que de se surveiller avec méfiance et de se quereller au Maroc.

Il n’y a d’ailleurs rien de nouveau dans l’arrangement