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puissances se mettraient d’accord pour nous pousser au Maroc, il resterait les périls de l’aventure elle-même : nous les avons trop souvent signalés pour qu’il soit nécessaire d’y revenir.

Combien de fois n’avons-nous pas conseillé de se défier du mirage marocain ? Bien qu’elle ait été relativement facile, car elle s’est développée dans une des provinces les plus prospères du Maroc, l’expédition de la Chaouïa a nécessité l’envoi de 15 000 hommes et nous y avons eu des combats sanglans. Nous avons infligé aux Marocains une leçon dont ils profiteront sans doute : nous devons profiter aussi de celles que nous avons rencontrées. Notre politique a été fort bien définie par notre ministre, M. Regnault, dans le discours qu’il a adressé au Sultan en venant lui présenter à Fez ses lettres de créance : c’est une politique de bon voisinage et d’amitié. Elle n’est pas moins bien précisée dans la Déclaration du 9 février, où nous nous déclarons une fois de plus entièrement attachés au maintien de l’intégrité et de l’indépendance de l’empire chérifien. Cette politique est la bonne : tenons-nous-y.


Y a-t-il détente dans les Balkans ? Peut-être. La Russie a pris subitement une initiative qui y a créé une situation nouvelle, meilleure sans doute, mais dont il est encore difficile de dire comment elle évoluera. Au premier abord, la proposition faite par M. Isvolski a paru être un trait de génie, et elle est certainement un acte des plus habiles ; mais une contre-proposition a été faite par la Porte et, pour le moment, tout est en suspens.

La Porte, après s’être arrangée avec l’Autriche-Hongrie, s’est retournée du côté de la Bulgarie. Celle-ci était isolée, il semblait qu’elle n’était plus en état de faire une longue défense : mais ce petit pays est énergique et tenace, et on a pu voir tout de suite qu’il ne céderait pas aussi facilement qu’on l’avait cru. Pour remplacer, peut-être, l’appui moral qu’il trouvait dans la résistance de l’Autriche lorsqu’elle se produisait en même temps que la sienne, la Bulgarie a commencé à mobiliser sur la frontière ; mais il ne semble pas que le gouvernement ottoman s’en soit beaucoup ému et, de part et d’autre, on a maintenu les mêmes prétentions. Prétentions d’argent : les deux gouvernemens discutaient avec âpreté sur l’indemnité que l’un, la Bulgarie, donnerait à l’autre, la Turquie, le premier offrant 82 millions, et le second en réclamant 120, ou même plus. Il est probable qu’on aurait en fin de compte transigé à 100 millions, car on n’aurait pas fait, à Sofia, la folie de déclarer la