Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 50.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lumière. Gounod trouvera des mélodies plus amples et plus rares, de plus sensuelles séductions : autour du couple pâmé sous de molles blancheurs, il conduira le concert des oiseaux, des corolles et des brises. Mais il ignorera cette avenante simplicité, cette affectueuse candeur, cette diction naturelle soulevée par l’orchestre d’élans contenus. C’est toute la sensible, et facile, et très peu lyrique Gretchen : et de quel transport, soudain, son regard bleu épanouit le cœur de Faust !… Schumann était Allemand.

Il y a déjà du théâtre dans la prière à la Vierge des remparts. Il y en a plus encore dans la « scène de l’Eglise. » De l’une et de l’autre le sentiment est puissant et vrai ; mais nous en avons plutôt la représentation extérieure, et avec du désordre, avec une violence appuyée, qui ne sont pas de Gœthe.

Et voici le Second Faust, condensé entre sa première et ses dernières scènes, de manière à n’exprimer que « l’insatiable aspiration » que rien n’apaise jusqu’à la mort. L’erreur de Schumann, qui frappe d’impuissance une partie de son œuvre, fut d’emprunter le texte même du poète, dans ses parties les plus abstraites. Un tempérament si mélodique, — et si tendrement passionné, — s’accorde mieux au vague des sentimens qu’à la précision des pensées. Et pour ce qu’il a des préjugés encore sur l’utilité des formes traditionnelles, pour ce que sa musique cependant n’est pas assez solidement construite, ni assez sûrement fondée, il lutte contre ce texte plutôt qu’il ne le traduit ; et trop souvent il se contente d’une grandiloquence superficielle, un peu fumeuse et un peu lâche. Mais que le sentiment l’emporte ; que sa musique serre de plus près la parole, comme dans la scène du Souci, et, aux derniers momens, il touche alors aux sommets de l’émotion, digne et forte.

La troisième partie, de beaucoup la plus étendue, ne contient que l’Assomption de Faust, épilogue qui dans le poème paraît occuper une place bien moins considérable. Il est certain qu’aux yeux de Gœthe, cette dernière phase d’évolution morale n’était pas la moins importante ; qu’elle devait non seulement balancer les autres dans l’ensemble, mais encore les dominer, comme la blancheur d’une cime. La poésie était insuffisante à réaliser ce rêve du poète. Si beaux, si mélodieusement groupés qu’ils soient, les mots peuvent à peine indiquer le schéma de telles imaginations : la musique seule les appellera tout entières