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d’objets fabriqués du Canada[1]. Dans ces conditions, les hommes d’Etat de la Maison Blanche accueillirent avec une courtoise froideur les avances du gouvernement canadien ; ils n’avaient rien à gagner à une convention de « réciprocité. » Les Canadiens, au cours de pourparlers plusieurs fois abandonnés et repris, eurent le temps de s’apercevoir que la grande production américaine était concurrente, plutôt que complémentaire, de la leur ; ils entreprirent de devenir industriels, eux aussi, et souvent y furent aidés par la complaisance des capitaux américains, séduits par les moindres exigences de la main-d’œuvre, au Nord de la frontière. Là-dessus éclata (1900-1903) le désaccord relatif aux limites de l’Alaska ; les Américains montrèrent dans leurs revendications quelque rudesse, et sans doute n’eurent-ils pas tort, puisque la sentence finale leur donna presque totalement raison ; mais on leur en veut encore, au Canada.

On leur pardonne moins encore d’avoir, par le jeu de monopoleurs, protégés sur le marché national, écoulé à perte en Canada des lots considérables de marchandises de toutes sortes, médiocres, mais si peu chères que le consommateur s’en contentait quand même au détriment des fabricans locaux. Le Parlement s’était ému, le Premier prit l’initiative de proposer des droits spéciaux contre les dumped goods, c’est-à-dire les articles vendus de la sorte avec un parfait mépris du fair play. En plusieurs réunions, ces temps derniers, les orateurs libéraux félicitèrent le Cabinet d’avoir ainsi combattu le dumping en faveur du travail national, et c’était toujours un des couplets les plus applaudis. Aujourd’hui, même dans Ontario, même dans les Provinces maritimes, où l’industrie et la pêche embrouillent tant d’intérêts entre Canadiens et Américains, il règne une certaine défiance, ou tout au moins une indifférence générale, à l’endroit des États-Unis ; si des nouveautés douanières doivent intervenir, ce n’est plus le Canada qui les sollicitera ; « nous n’irons plus rien demander à Washington, » a déclaré un jour M. Laurier. Toutefois, notons que M. Taft, à la différence de M. Roosevelt qu’il vient de remplacer, connaît personnellement le Canada,

  1. D’après le dernier Canadian Year Book, les importations du Royaume-Uni au Canada pendant les neuf premiers mois de 1907 ont monté à 63,68 millions de dollars et celles des États-Unis, dans la même période, à 156,29 millions ; sur ces totaux, les « produits des manufactures » figurent respectivement pour 54,32 et 88,54.